circonstances toutes spéciales pour les amener à se déplacer. Suffiront-elles à provoquer la présence de M. Maeterlinck? L’illustre auteur de Mona Vanna (je cite cette œuvre parce que c’est elle qui lui valut le prix triennal, base de sa désignation comme académicien) n’habite plus depuis longtemps la Belgique. Il semble partager avec M. Max Elskamp une vraie répugnance à prendre part à la vie publique de son pays. La guerre a montré pourtant avec quelle ardeur il a su l’exalter et le venger. Les spectacles patriotiques des fêtes nationales ne se passent plus de la représentation de son Bourgmestre de Stilmonde. Il offre dans certaines de ses œuvres et dans tout son aspect physique un magnifique témoignage de la persistance de son atavisme flamand.
Les « Jeune-Belgique, » si pénétrés qu’ils aient pu être d’une fierté littéraire française, se sont d’ailleurs toujours réclamés d’une tradition nationale. Ils affirmèrent, ils affirment encore continuer dans leur art poétique la manière minutieuse et probe des artistes de Flandre qui ne confiaient à personne le soin de broyer leurs couleurs. Les concours qui vinrent à ces écrivains brabançons, de Liège et de Gand se sont placés aussi en quelque mesure sous l’égide du régionalisme. Le mot Wallonnie est une création de M. Albert Mockel, revendiquant pour son œuvre poétique une sensibilité de race fortement imprégnée d’un souci musical.
Nous avons dit comment les prosateurs ont été plus apparemment belges. Rares sont aujourd’hui les académiciens à qui l’épreuve sanglante de la patrie n’a pas fourni un renouvellement imprévu. Chez aucun il ne fut plus riche et plus abondant que chez M. Albert Giraud. Le poète de Hors du siècle a longtemps été environné d’une légende. Il ne faisait rien pour la dissiper. Il la servait par certaines affirmations :
La multitude abjecte est par moi dédaignée
Pas un cri de ce temps ne franchira mon seuil;
Et pour m’ensevelir loin de la foule athée,
Je saurai me construire un monument d’orgueil.
Chez M. Albert Giraud, comme chez beaucoup de Belges qui s’ignoraient, qui ne croyaient pas à toute une fraternité nationale latente, le coup de foudre de l’ultimatum déclencha un lyrisme prodigieux. M. Albert Giraud l’a fixé dans les poèmes