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la direction de la « Jeune-Belgique, » a été le premier président de l’Académie belge. Les premiers élus furent M. Valère Gille, qui dirigea lui aussi pendant quelque temps la fameuse revue, et M. van Arenberg qui, déjà à l’Université, enseignait à ses trois amis l’art de rimer selon la formule de Banville. Ils sont les quatre chevaux classiques du quadrige se détachant au fronton de la nouvelle Académie et ils sont convaincus que c’est leur attelage que conduit le divin Apollon.

On peut se demander quelle allure lui eût imprimée la fougue d’Emile Verhaeren, dont l’immortalité n’a pas eu besoin de l’Académie, mais qui fut de la pléiade de la Jeune-Belgique jusqu’à la dispersion de celle-ci. M. Iwan Gilkin, au cours de son discours inaugural, qualifia, assez bizarrement, le poète de Toute la Flandre de Viking. Et sans doute voulut-il marquer par-là que seules la violence exceptionnelle d’un tempérament littéraire puissamment original et une renommée prodigieuse ont fait autour du grand disparu l’unanimité de ses premiers amis. C’est qu’entre le Verhaeren des Forces tumultueuses, des Villes tentaculaires, des Flambeaux noirs et les dispositions de la pure tradition « Jeune-Belgique, » il y a vingt ans de divergence esthétique. D’autres poètes s’introduisent entre ces deux pôles de la même génération, influencés, eux, par un symbolisme que combattirent nos parnassiens belges.

Nous en retrouvons quatre aussi à l’Académie. Formeraient-ils de leur côté un attelage hiératique à opposer au char des quatre premiers et assisterions-nous entre ces huit aèdes à l’émulation de deux lyrismes? Mais de M. Fernand Severin, un délicieux poète lamartinien influencé par Stuart Merril, à M. Max Elskamp, un curieux alchimiste littéraire qui précipite au fond d’une cornue anversoise le mélange de la langue de Mallarmé avec la nostalgie des paysages exotiques et le goût d’un mysticisme alimenté par le folklore, il y a un abîme que l’éclectisme harmonieux de M. Albert Mockel ne suffit pas à combler. Et comment s’annexer le rêve sans cesse en évolution de M. Maurice Maeterlinck?

Les arbitres académiques de ces fécondes rivalités pourraient bien être les dramaturges et les romanciers, à défaut des critiques qui n’ont pas encore franchi le seuil du temple. Aussi bien la plupart de nos écrivains en prose appartiennent-ils à une génération moins exclusive, plus dégagée du souci de l’art