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concerne la consécration et le groupement des activités littéraires de langue française. Elle reste à définir et à préciser pour ce qui est d’un programme d’action collective et internationale. Par sa seule existence l’Académie, centre et autorité, est profitable aux vocations et aux orientations littéraires, belges et étrangères. Elle situe dans la hiérarchie de l’État belge et au confluent des influences européennes une élite d’expression française. Mais cela ne peut suffire. Elle aura des initiatives à prendre. Dans quelles directions et dans quelles limites ? Sur ce point l’arrêté constitutif et le rapport qui le précise sont muets. Les discours de la séance inaugurale ne sont pas plus explicites. L’Académie garde en elle le mystère de sa destinée. Force nous est d’interroger ses premiers membres. Rebelles à l’interview, leur physionomie académique sera-t-elle plus révélatrice ?


II

On prête à l’un des académiciens fraîchement élus ce mot : l’Académie, c’est la « Jeune-Belgique » qui continue. Il est incontestable que pour les survivants de ce groupe fameux, qui a sa légende et entend la perpétuer, la fondation d’une Académie des lettres en Belgique apparaît comme une consécration et une revanche. À leurs débuts, ils furent ou se crurent honnis par la critique officielle, et comme tous les débutants, trouvèrent leur vigueur à se sentir combattus, à lutter pour les droits de l’art. Il y a toute une littérature sur ces années « héroïques. » On ne nous a rien laissé ignorer des premiers tâtonnements poétiques, des manifestes, des excommunications et des canonisations de ceux qui ont conquis aujourd’hui un droit officiel à l’immortalité. Ils ont leurs historiens et leurs thuriféraires. L’un d’eux n’a pas craint d’intituler son livre la Miraculeuse aventure de la Jeune-Belgique.

Le miracle d’aujourd’hui, c’est l’Académie, et le mot de M. Albert Giraud à Chantilly, renouvelé du doge de Venise à Versailles, se serait mieux appliqué à la séance inaugurale du 15 février quand, vêtus de sévères redingotes, les amis du jeune et bouillant Max Waller prirent place derrière le tapis vert du Palais des Académies. Max Waller a son monument sur une place publique bruxelloise et M. Iwan Gilkin, qui lui succéda à