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de la part de l’opinion. Leur vocation plus large, moins défensive, est issue d’une pensée sociale et nationale.

Aperçues du dehors, ces distinctions peuvent paraître puériles ou heureuses, selon qu’elles attestent une excessive susceptibilité personnelle ou une passion féconde. Elles ne sont pas sans rendre difficile le recrutement de la nouvelle Académie.

C’est au point que le ministre, lui-même un écrivain qui a sa place gardée dans le corps qui lui doit la vie, a reculé devant la lâche de choisir les titulaires des trente sièges académiques, en dosant d’une main impartiale la proportion des tenants de telle formule esthétique, de telle génération littéraire. Il a eu recours à un expédient. Les dix premiers membres au titre d’écrivains ont été identifiés par lui avec les lauréats des prix quinquennaux et triennaux décernés par des jurys officiels, L’expédient ne l’a pas desservi : le groupe des survivants de ces concours forme un assemblage important et heureux. L’éclectisme n’a pu y trouver son compte et il est à présumer que dans les élections par lesquelles doit se compléter le nombre des vingt académiciens « littéraires, » les anciennes divergences ne reprennent cours. L’opinion publique sera peu à même de prendre parti, si tant est qu’elle y soit disposée. Le règlement élaboré par les premiers académiciens interdit en effet toute candidature. Les votes se répartiront spontanément sur des noms qu’aucune démarche préalable n’aura placés devant les suffrages des immortels.

Il en va de même pour les dix sièges réservés par l’arrêté de fondation a des membres étrangers. (Ainsi le chiffre illustre de quarante finit tout de même par être atteint). Cette catégorie d’académiciens de Belgique (quatre philologues et six écrivains), c’est celle qui a le plus frappé en France et au dehors les gens soucieux du rôle joué dans le monde par la langue française. Dans plusieurs pays, elle est comme chez nous une des langues nationales ou tout au moins la langue diplomatique ; dans presque tous elle demeure une langue de l’esprit. En associant à ses travaux des philologues et des écrivains français de l’étranger, l’Académie belge élargit et son prestige et son programme. Même en France, elle peut, en élisant des femmes, combler une lacune et faire participer à son action internationale quelques-uns des plus rares talents de ce temps.

On voit donc bien la mission de l’Académie en ce qui