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I

Le piquant, c’est qu’il existe en Belgique depuis quelque cent ans une Académie royale, et l’on s’apprêtait à célébrer ce jubilé quand parut l’arrêté créant une Académie rivale. Or, cette création est la conséquence d’un vœu émis par la vieille Académie elle-même et devenu une suite logique de l’ostracisme dont elle a frappé les écrivains n’ayant pas pour but principal l’avancement des sciences. Dans aucune des trois classes qui la composent (sciences, lettres, beaux-arts), il ne se trouve, en effet, d’écrivains d’imagination ou de littérateurs proprement dits, ni poètes, ni dramaturges, ni romanciers, ni critiques. La classe des Beaux-Arts ou la classe des Lettres n’a jamais songé à élire un Verhaeren ou un Maeterlinck. Aucun pouvoir n’avait à les y contraindre. A vrai dire, trois ou quatre fauteuils étant vacants dans la classe des Beaux-Arts, il fut question in extremis de mettre en avant les noms de certains écrivains à raison de leur compétence en matière de peinture ou de musique. Mais, pressentis, ils refusèrent d’accepter la perspective d’une élection qui les aurait fait pénétrer par la petite porte et maintenait à l’égard de la littérature un exclusivisme de principe.

Restait la solution d’autorité, la création par le gouvernement d’une quatrième classe réservée aux Belles-Lettres, ce qui eût placé dans la hiérarchie officielle les « littérateurs » sur le même rang que les savants, les professeurs et les artistes. Elle faillit prévaloir en haut lieu et nous ne sommes pas le seul à la regretter. Mais elle se heurtait à l’opposition unanime de l’Académie, délibérant toutes classes réunies. Restait l’alternative d’une Académie distincte. L’ancienne Académie s’y rallia dans la même séance où elle repoussa l’idée d’une classe supplémentaire. Il parait qu’ici encore les rivalités linguistiques avaient compliqué les choses. L’Académie de Belgique, en effet, est en principe bilingue. Ses membres peuvent s’être fait connaître par des travaux dans l’une ou l’autre de nos langues nationales. Les mémoires qu’elle couronne, on peut les avoir présentés en français ou en néerlandais. Il existe au surplus, depuis 1883, une Académie royale flamande. Au cas où l’Académie de Belgique aurait compté une classe d’écrivains français, n’aurait-elle pas revendiqué le droit de se subdiviser elle aussi en classes