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balkanique et ramènerait la Russie démembrée à une formule beaucoup plus éloignée de la laïcité constitutionnelle que du type d’église nationale traditionnel dans la Russie unitaire. On nous dit déjà qu’en Ukraine les tendances séparatistes s’appuient sur un mouvement religieux favorable à la reconstitution de l’Eglise uniate, et par conséquent à un retour à la communion avec le Saint-Siège. Des observateurs dignes de foi assurent qu’au sein des Républiques transcaucasiennes de Tartarie, Géorgie et Arménie, — où d’ailleurs on doit compter beaucoup de musulmans et de sectes orthodoxes dissidentes, — une partie de l’opinion confond dans la même rancune l’absolutisme et le Saint-Synode de l’ancien régime, au point de sentir un intérêt politique à se dissocier de l’orthodoxie russe, même rendue à l’indépendance.

Bien entendu, la fermentation à laquelle donnera lieu cette réintégration politico-religieuse, quelque forme qu’elle prenne, sera suivie de près par des tiers qui ne voudront pas être seulement des témoins. Aujourd’hui, gouvernements, financiers, commerçants, constructeurs de chemins de fer, philanthropes même peut-être, sont aux aguets devant les événements de Russie, ou leurs prodromes. Pourquoi pas aussi le prosélytisme religieux ? Il est dans son droit et peut-être parfaitement à sa place. Seulement, ne nous faisons pas l’illusion qu’il pénètre en Russie, du moins la plupart du temps, avec la tranquille et inviolable majesté d’une force morale. Alternativement, il passera à travers les chemins que la politique aura frayés, ou se chargera d’en faire d’autres, à travers lesquels la politique passera. A elle seule, cette loi d’expérience pourrait suffire à nous rendre attentifs, si nous n’avions déjà quelques raisons plus précises de regarder les choses de près.

En Allemagne, où l’on a tant de moyens de connaître les affaires de Russie, et tant de motifs d’y prendre intérêt, certains groupements catholiques, — de ceux qui ne manquent jamais de faire passer beaucoup de zèle national sous le manteau de leur dévouement aux intentions du Saint-Siège, — offrent déjà leur collaboration à la politique des deux Rites. Tel est le cas, notamment, de la Ligue catholique de Munich, dont l’un des membres les plus agissants, le docteur Fœrber, confiait l’année dernière ses idées sur ce sujet au Prizyf, journal russe qui s’édite à Berlin. Au début de cette année, un