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le Gouvernement des Soviets, ne fut en réalité qu’un épisode de la persécution bolchéviste. Certes, lorsque, l’année, précédente, le Gouvernement provisoire se déclara prêt à mettre en vigueur un régime d’égalité et de la liberté des Cultes, le Vatican, excédé des procédés du Tsarisme, trouva ces velléités rassurantes et se hâta même d’en prendre acte. Mais qu’en penseront les Russes demain ? Elles s’inspiraient, en somme, d’un occidentalisme assez banal. Question, par conséquent, dont l’intérêt n’est pas uniquement rétrospectif, de savoir si elles traduisaient exactement des dispositions devenus familières à la Russie nouvelle, ou si elles n’en donnaient qu’une interprétation tamisée par des cerveaux de « libéraux » et de « Cadets. »

Autre question : la liberté et l’égalité des Cultes supposées admises en Droit public, dans quelle mesure le catholicisme sera-t-il à même d’en profiter ? Est-ce que l’autocratie, lorsqu’elle l’identifiait avec le « polonisme, » c’est-à-dire avec l’ennemi national, se bornait à entretenir une confusion volontaire et artificielle justifiée seulement par la raison d’Etat ; ou s’inspirait-elle, dans une certaine mesure, d’un sentiment populaire, enraciné, et tout à fait capable de survivre à la Révolution ? Le sujet offre d’autant plus d’importance qu’on ne compte guère que par unités les prêtres catholiques de nationalité proprement russe. Ceux dont le gouvernement impérial tolérait la présence étaient presque tous Polonais ou Lithuaniens. Par conséquent, si le Saint-Siège se trouve avoir à ménager en. Russie des susceptibilités nationales renaissantes, il y devra ranimer le culte catholique avec le concours de sujets étrangers pour la plupart, c’est-à-dire, pratiquement, faire appel à la bonne volonté de Congrégations religieuses. — Et voilà, certes, l’intérêt politique mis en éveil.

Mais le point décisif est encore de savoir si la Russie se reconstituera une ou diverse, et l’inconnue, ici, engage un intérêt religieux et un intérêt politique étroitement entrelacés, puisque, si l’ancien Empire des Tsars est appelé au même sort que la Monarchie de Habsbourg, vraisemblablement chaque État cherchera dans quelque ritualisme national un symbole de différenciation d’avec ses voisins et une sorte de clôture morale contre leurs ingérences. Le processus de l’influence de la religion sur l’Etat suivrait dès lors la courbe inverse de celle que nous avons constatée à travers la péninsule