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habitudes rituelles, sinon même de leurs fonctions sacerdotales. Comme le disait, dès 1916, un religieux français éminent, le R. P. Delpuch, dans un exposé des raisons qui rendent le rapprochement à la fois plus aisé et plus désirable, « les besoins de l’heure présente sont cause de tout un travail dans les milieux orthodoxes fermés jusqu’ici à l’idée de l’Occident. »

D’un tel ensemble de faits, comment le Saint-Siège n’aurait-il pas tiré de conclusions ?


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Pour apprécier la portée des attitudes et des décisions que cette situation a inspirées au Pontificat actuel, il faut d’abord tenir compte de ce que, entre la Catholicité latine et l’Orient qu’elle appelle « séparé, » se place un Orient « uni, » c’est-à-dire en communion régulière avec le Saint-Siège, bien qu’il ait conservé la liturgie et la discipline qui lui sont propres. Indépendamment de quelques églises d’Asie-Mineure, — arménienne, grecque-melchite, syro-chaldéenne, syro-maronite, — qui se trouvent dans ce cas, on compte de six à sept millions de catholiques uniates, en Europe même, répartis à travers la Galicie orientale, la Transylvanie, le Banat ; et ce Rite intermédiaire, dont l’établissement remonte à la fin du XVIe siècle, a certainement laissé de fortes traditions en Ukraine, d’où il ne fut extirpé que par la persécution des Tsars.

Ce groupe uniate, désavoué comme « oriental » par les Eglises séparées, honni de l’ancien régime russe, suspect aux Polonais, ne paraît pas sans mérite d’être resté attaché à l’Eglise romaine, compte tenu surtout de ce que les préjugés d’une partie de la Curie en avaient fait un peu, jusqu’à notre époque, un « parent pauvre. » Les Papes modernes ont vu plus haut. Déjà Pie IX avait créé, à la Propagande, une section spéciale pour les affaires du Rite oriental, Léon XIII, en 1894, avait convoqué à Rome une conférence entre cardinaux latins et patriarches orientaux, au cours de laquelle le cardinal Langénieux préluda brillamment au rôle très français qu’il devait assumer, en 1900, pendant le Congrès de Jérusalem. Il est à noter que déjà la diplomatie allemande usait de son influence sur la Porte pour faire obstacle à ces contacts, et que, da Saint-Pétersbourg, pour des raisons différentes, on intriguait dans le même sens. Le grand Pape qui régnait alors n’en réussit pas moins à donner