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Spalato, d’après lequel le clergé catholique est autorisé à se servir de la langue paléo-slovène (ou vieux-slave), comme langue liturgique, au lieu du latin.

Dans tous les Balkans, surtout depuis le Congrès de Berlin, l’agent officiel ou officieux du Baltplatz se posait en adversaire de l’influence « orthodoxe. » De Budapesth partaient les mêmes directives. Ce sont les Hongrois qui ont essayé d’allumer dans certaines régions de la Croatie, qui dépendait d’eux alors, une guerre religieuse artificielle entre les éléments catholiques et ceux de l’autre Rite. Enfin, Autrichiens et Magyars se sont certainement trouvés d’accord pour encourager, à la veille de la guerre, l’étrange mission de l’archevêque de Lemberg, Mgr Szepticky, qu’il a d’ailleurs payée de la déportation, dès la première invasion de l’armée russe en Galicie. Mgr Szepticky avait choisi ce moment d’extrême tension pour faire du prosélytisme par-dessus la frontière de la Monarchie, en Ukraine, où, cette fois, le gouvernement russe avait raison de démêler, derrière la propagande pseudo-religieuse, une tentative d’agitation politique et d’exploitation des ferments qui travaillaient déjà, le sous-sol de l’Empire.

Ainsi, des catastrophes qui ont rayé de la carte la Russie impériale et l’Autriche habsbourgeoise, et de l’effritement de l’ancienne Turquie, surgit une sorte de novus ordo qui prête incontestablement mieux que l’ancien à une politique de réconciliation des deux Rites. Sans doute les positions dogmatiques sont restées les mêmes, mais celles du schisme deviennent plus abordables, et, après tout, — on le sait au Vatican mieux qu’ailleurs, — la dissidence séculaire entre l’Occident et l’Orient religieux s’est entretenue bien davantage par le contraste de civilisations, de carrières historiques et d’intérêts dynastiques ou nationaux, que par l’acuité des problèmes que posent la « procession du Saint-Esprit, » ou même la primauté du Pape. Il faut ajouter que, si de grands changements viennent de s’effectuer dans la constitution de l’Europe, il s’en est opéré sans doute aussi dans la façon de penser de beaucoup d’individus. Après tout, sur le théâtre oriental de la guerre, les religions, comme les nations, se sont coudoyées dans les tranchées, dans les camps de prisonniers de guerre ou de concentration ; des fraternités de péril ou de misère se sont formées entre gens qui se croyaient peut-être irrémédiablement distants, à cause de leurs croyances, de leurs