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les anciennes générations. C’est d’ailleurs tout naturel. On conservera donc, par tradition, par reconnaissance aussi, une Eglise nationale ; on l’associera plus ou moins aux manifestations officielles et aux cérémonies patriotiques ; elle sera respectée et prébendée. Pour le surplus, on suit la pente des doctrines et des exemples de l’Occident. Bref, l’État et les mœurs restant ce qu’ils sont, on peut dire en tout cas et au bas mot que, dans les Balkans, la nationalité est désormais laïcisée.

Les laïcisations de ce genre, en pays schismatique, ne sont pas pour déplaire au Vatican. Si elles n’ôtent guère de leurs arguments, ni surtout de leur opiniâtreté, aux théologiens de la partie adverse, elles atténuent singulièrement, et c’est déjà un résultat appréciable, le point d’honneur que le sentiment public attachait jadis à ne point paraître sensible à une avance latine.

Des catholiques éminents ont offert à la Cour romaine des consolations et même des félicitations spontanées au sujet du démembrement de l’Empire des Habsbourg. Il n’est pas sûr qu’elle les ait goûtées. Car enfin, tout pharisaïque qu’il fût, et peut-être parce qu’il l’était, cet Empire se piquait du moins d’offrir chez lui au catholicisme protection, déférence, libertés, garanties, et, quand il s’est écroulé, le Saint-Siège a pu mesurer la différence à l’étendue et à la variété des difficultés qu’il éprouve avec ses successeurs. Sur un point cependant tout le monde doit être d’accord : cette chute sert les intérêts du rapprochement des deux Rites, par la simple raison que la politique austro-hongroise était, à sa façon, aussi acharnée que celle des Tsars à discréditer et contrecarrer ce grand œuvre.

Toujours en garde contre la fascination exercée par la Russie sur les Slaves même catholiques, inquiet de toute détente dans les rapports religieux entre catholiques et « pravoslaves, » le gouvernement de Vienne sapait les moindres travaux d’approche du Vatican vers la réconciliation. En Serbie, il a tôt fait de détacher le roi Milan, sa créature, d’un projet de Concordat dont la conscience à compartiments de ce souverain avait un instant envisagé l’intérêt politique, et qui ne fut réalisé qu’en 1914, à l’honneur de la mémoire de Milenko Vesnitch. Entre temps, il s’était opposé aussi au Concordat monténégrin ; opposé encore, sans plus de succès d’ailleurs, à la confirmation par Léon XIII d’un très ancien privilège accordé par Adrien II et Jean VIII aux diocèses de Senj, de Veglia, de Zara et de