Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Alésiens d’autrefois, il faut nous transporter au musée. On y conserve précieusement de nombreux objets mobiliers que le sous-sol a rendus : petits bas-reliefs de pierre, avec la figuration de divinités latines ou gauloises, table de même matière, vases de bronze ou d’argile, statuettes de bronze, instruments et outils de fer, clés, sonnettes : tous débris, aujourd’hui bien rongés par la rouille, mais qui ont été jadis étroitement mêlés à la vie des bourgeois, des ouvriers, des agriculteurs, qui les ont aidés dans leurs travaux ou distraits au milieu de leurs occupations ; à leur façon, ils nous parlent de leurs possesseurs.

Le plus curieux, peut-être, est un bronze d’applique, provenant de quelque meuble : un Gaulois, mort ou endormi, est couché, la tête appuyée sur le bras droit ; le bras gauche est allongé contre le corps, la jambe gauche se replie sur la droite. Le torse est nu ; une braie à plis obliques se fixe à la ceinture par un gros bourrelet. C’est là un motif à peu près unique dans l’art romain ; trouvé à Alise, il emprunte à son origine une poignante éloquence. A côté du dramatique, le grotesque : un peson de balance représente une tête de Silène couronnée de pampres et encadrée d’une grosse barbe aux frisures enroulées. A un tout autre genre appartient un petit buste de femme ou déjeune fille, haut seulement de 0m, 23 ; on peut le rapporter à l’époque de Claude ou de Néron ; il n’est pas douteux que ce ne soit un portrait, tant les détails de la figure montrent de réalisme sincère et pittoresque : tête ronde, front large et bas, nez court et rond, lèvres charnues, pommettes saillantes. La coiffure originale consiste, sur le devant, en quatre rouleaux de frisures qui courent transversalement d’une oreille à l’autre, par derrière en un catogan ; le globe des yeux rapporté était fait d’une matière dure où la pupille se détachait en pâte translucide ; le morceau est digne d’attirer l’attention. Voici encore deux trouvailles d’une autre espèce ; elles relèvent, non plus de l’art, mais de la curiosité. L’une intéressera les musiciens : une petite flûte de Pan à huit tuyaux ; elle ne mesure pas plus de quinze centimètres de hauteur ; la face porte une décoration géométrique très simple ; au bas de l’instrument, un trou circulaire donnait passage à un cordon d’attache que le virtuose passait à son cou. Dans la vitrine voisine, les ménagères verront, non sans étonnement, un seau de bois encore, armé de la chaîne de fer qui servait à le descendre dans le puits où il est demeuré