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de se retrancher dans cette forteresse naturelle, en attendant les événements ; les vivres amassés dans l’enceinte suffisaient à nourrir les soldats durant quelques semaines ; d’ici là les dieux décideraient. Car Alesia passait aussi pour un lieu saint ; on y adorait des divinités locales, que la défaite n’exila pas de leurs sanctuaires, puisqu’elles les habitaient encore à l’époque romaine. Se placer sous leur protection était les intéresser aux destinées de la Gaule menacée et appeler la religion au secours de la patrie en danger.

Mais César n’entendait abandonner la partie ni aux hommes ni aux dieux : il voulait pousser à bout sa victoire. Son ennemi venait de s’engager lui-même dans une impasse ; il fallait à tout prix l’empêcher d’en sortir. L’armée romaine, la pelle et la pioche en mains, se mit à l’œuvre pour établir autour de la place assiégée un cercle immense de camps, de redoutes et de travaux fortifiés, dirigés à la fois contre les Gaulois de Vercingétorix et contre ceux qui, appelés à son secours, pourraient essayer de percer par derrière les lignes des assiégeants. César lui-même nous a décrit ces gigantesques travaux qui font songer, par certains traits, aux méthodes employées durant la dernière guerre. Afin de ménager ses troupes et pour leur permettre de faire tête à l’ennemi avec un moindre nombre d’hommes, il fit creuser, en avant des lignes régulières de défense, « des fossés continus profonds de cinq pieds ; on y plantait des troncs d’arbres, ou de très fortes branches dont l’extrémité, dépouillée de son écorce, avait été aiguisée ; ils étaient solidement assujettis par le pied, pour qu’on ne pût pas le soulever et ne faisaient saillie que par leur branchage ; il y en avait cinq rangées, reliées ensemble et entrelacées ; les combattants qui s’y engageaient se perçaient eux-mêmes de leurs pointes aiguës. On les appelait cippes. C’étaient les réseaux de fers barbelés de l’époque.

« Par devant on creusa en quinconce des rangées obliques de trous profonds de trois pieds, dont le bas était un peu plus étroit que le haut. Là on enfonçait des pieux lisses de la grosseur de la cuisse, épointés et brûlés par le bout ; ils ne dépassaient le sol que de quatre doigts. Pour les rendre solides et stables, on comblait le fond des trous, sur une hauteur d’un pied, de terre qu’on foulait ; le reste était rempli de branchages et de broussailles qui cachaient le piège ; on en disposait huit rangs,