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M. de Rocca, Mlle Randall[1], M. Schlegel[2]y sont sûrement. Ne m’oubliez pas non plus auprès de Benj. Constant si vous êtes ensemble. Lascours[3]était ici ces jours derniers" ; nous parlions de vous sans cesse ; je vais lui écrire et m’affliger avec lui qui regrettait bien aussi d’être loin de vous. Ecrivez-moi, mon cher Auguste, donnez-moi de vos nouvelles, de celles de votre sœur et de la santé de Victor, de vous tous ; George vient encore me prier de vous exprimer à tous son affliction et son attachement. Je vous embrasse de toute mon âme.


XXII


A Auguste de Staël, en route pour Coppet.

Chavaniac, 30 juillet 1817.

Vous ne doutez pas des sentiments avec lesquels j’ai reçu votre lettre de Joigny, mon cher Auguste ; notre malheur commun n’était que trop connu ici depuis plusieurs jours ; mais le besoin que vous avez eu de m’écrire dans ce court voyage, cette association de ma douleur à la vôtre ont rempli mon cœur de tendresse et de reconnaissance. Il m’est plus nécessaire que jamais d’être avec vous dans tous vos sentiments, toutes vos pensées, mes chers amis. J’éprouve dans mon affliction une vive peine d’avoir été loin de vous, de ne pas savoir quand je vous reverrai. Je vous remercie des détails que vous m’avez donnés ; elle n’avait que trop raison lorsque j’ai eu pour la dernière fois la consolation de la voir. Ses craintes, lorsqu’elle s’endormait, étaient donc des pressentiments. Mais du moins le vœu qu’elle vous avait exprimé a été exaucé ; je ne crains pas de revenir sur cette fatale époque, mon cher Auguste ; je sais par expérience qu’il n’est pas de douleur qui ne soit soulagée en se

  1. Mlle Randall, la demoiselle de compagnie de Mme de Staël, lui était passionnément dévouée. Elle demeura attachée à la duchesse de Broglie.
  2. Guillaume Schlegel avait été ramené d’Allemagne par Mme de Staël qui comptait lui confier l’éducation de ses enfants. Il devint pour elle un ami fidèle et ne retourna en Allemagne qu’après sa mort et après avoir assuré, comme elle l’en avait chargé, la publication de ses œuvres.
  3. Lascours, qui était dans l’armée et qui devint plus tard général, avait épousé une demoiselle d’Argenson et était ainsi devenu beau-frère du duc de Broglie désigné dans cette lettre sous son prénom de Victor.