Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/338

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas le mot pour rire à vos modérés, surtout si leur constitutionnalité ne se reconnaît qu’à la censure de la presse, la loi des suspects, la jurisprudence prévôtale et les condamnations politiques ; mais il faut attendre. Vont-ils déjouer leurs adversaires en proposant ce que ceux-ci font semblant de vouloir ? Jusqu’à présent ils ont cherché à rassurer la nation sur leur loyalisme si injustement attaqué par les Ultras. Peut-être vont-ils lui donner d’autres garanties. Parlez de moi, je vous prie, à vos deux amis, à votre fils, et recevez, chère madame, mes tendres amitiés.


* * *

Mme de Staël était morte dans la nuit du 14 juillet 1817. La Fayette était à ce moment à Chavaniac, sa terre patrimoniale en Auvergne. Il écrivit aussitôt au baron Auguste de Staël cette lettre où se peint toute la vivacité de son affection pour Mme de Staël.


XXI


A Auguste de Staël.

Chavaniac, 21 juillet.

Votre lettre avait un peu dilaté mon cœur ; je prenais part à vos espérances dont j’avais tant besoin, mon cher Auguste ; je me tourmentais moins et de mon départ et de ma discrétion ; je me flattais de vous retrouver tous lorsque j’ai appris presqu’en même temps que toute espérance et toute consolation m’était enlevée. Je suis pénétré de mon affliction et de la vôtre, mes chers amis ; vous savez tout ce que votre mère a été pour moi pendant tant d’années ; vous jugerez par vos regrets pour elle ce que sont les miens pour une telle amie. Je me sens plus que jamais associé à vous ; il m’est nécessaire que vous partagiez ce sentiment. Mes enfants s’unissent à ma douleur ; il y en a qui avaient éprouvé des bontés bien personnelles. Je n’aurais pas pensé à les retrouver si j’avais pu être de la moindre utilité à celle que nous regrettons ici avec un sentiment digne de vous être offert. J’ai besoin que vous parliez bien tendrement de moi à chacun de ceux qui vous entourent et pleurent avec vous.