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rapports avec vous suffiraient pour ajouter davantage à cet intérêt, mais j’y porte tous les sentiments que je lui ai voués depuis plus de vingt ans. Jugez si je serais heureux de contribuer en quelque chose au soulagement de sa douleur. Je viens d’écrire à Victor Maubourg[1], je lui envoie votre lettre. Il n’a été que trop récemment associé à l’affliction paternelle et presque frappé aussi d’un double coup, puisqu’après la perte du pauvre Alfred, son autre neveu, Rodolphe, vient d’être très mal en Espagne, Il revient en France, mais pour cette cause de maladie grave et nous sommes inquiets de la route. J’ignore jusqu’où, dans un autre cas, s’étendront le pouvoir ou l’influence de Victor. Je suis au moins bien sûr de sa disposition, et nous lui écrirons par plusieurs courriers.

Je suis ici avec une réunion d’amies qui me rappelle les temps où la même société était souvent animée de votre présence. Ma famille est dispersée pour un mois ; mes deux filles[2]sont avec leurs maris dans leurs petites propriétés voisines de La Grange que, d’après mon exemple et malgré vos mépris, ils cultivent avec plaisir et succès. Ma belle-fille est à Auteuil ; mon fils me remplace cette année auprès de ma tante pendant que je soigne ma poitrine qui avait un peu souffert.

Recevez, avec l’amitié sur laquelle il m’est bien deux de compter, l’expression des tendres et profonds sentiments qui m’attachent à vous pour la vie.

LA FAYETTE.


XI

La Grange.

Je finis Corinne, chère madame. C’est le moment que vous aviez…[3]pour vous écrire à Coppet, il est bien juste de vous

  1. Le général Victor de La Tour-Maubourg, frère de l’ancien aide de camp de La Fayette, fut successivement ambassadeur, ministre de la Guerre et gouverneur des Invalides.
  2. Ces deux filles sont Anastasie de La Fayette, mariée au comte Charles de La Tour-Maubourg, et Marie-Virginie, mariée au marquis de Lasteyrie qui devait devenir propriétaire de La Grange.
  3. Plusieurs mots manquent dans cette lettre, le coin étant déchiré, ce qui contribue à la rendre assez obscure. Il semble s’agir d’un engagement qui aurait été pris au nom de Mme de Staël, mais sans son aveu et d’après lequel elle aurait promis de faire visite à un ministre. Je ne sais qui est l’ami commissionnaire, M. Boutel, dont il est question.