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REVUE. — CHRONIQUE.

allemandes dans les centres urbains, il y avait eu, sur le territoire plébiscitaire, sept cent sept mille six cent cinq voix qui s’étaient prononcées pour l’Allemagne, contre quatre cent soixante-dix-neuf mille trois cent cinquante-neuf qui s’étaient déclarées pour la Pologne ; et il s’est efforcé d’attribuer, au total, à chacun des deux pays un nombre d’habitants sensiblement égal au nombre des électeurs qui avaient voté pour lui ; il a, en outre, cherché à tracer une frontière qui laissât, de part et d’autre, aussi faibles que possible les minorités ethniques. Il était cependant inévitable que, dans chacun des lots, ces minorités fussent importantes ; et dès lors, le Conseil était amené à prendre des dispositions pour les protéger et pour régler, pendant une période déterminée, les options de nationalité, prévues par l’article 91 du Traité de Versailles.

La Société des Nations est allée plus loin. Elle a considéré que si le bassin industriel et minier n’était pas indivisible et s’il devait être partagé, elle ne pouvait néanmoins ignorer qu’il s’y était créé, depuis nombre d’années, une vie économique intense, alimentée par des courants qui prenaient leur source des deux côtés de la nouvelle frontière. C’est ainsi qu’il se trouve dans la région, des chemins de fer, des canaux, des lignes d’électricité dont les tronçons allaient se trouver séparés ; c’est ainsi que les usines achètent leurs matières premières et vendent leurs produits à l’aide d’une monnaie qui est le mark allemand ; c’est ainsi qu’elles bénéficient de certains tarifs ferroviaires, qu’elles emploient un personnel accoutumé à vivre sous certaines lois sociales, qu’elles ont entre elles des conventions commerciales, qu’en un mot, elles ont fini par former une sorte de trust dont nous avons vu la puissance s’exercer, à ciel ouvert, dans la propagande des deux dernières années. Le Conseil de la Société des Nations n’a pas pensé qu’il y eût là une unité destinée à rester toujours intangible. Il a seulement voulu assurer la continuité de la vie économique locale, en préparant sans heurt la dualité future. L’avenir nous dira s’il a pris le meilleur chemin pour réaliser ses intentions. Pendant que la Pologne semblait se résigner, de bonne grâce, à accepter les combinaisons proposées et que l’Allemagne renouvelait, à son habitude, la comédie de la colère, le Vorwaerts, plus raisonnable, en la circonstance, que la plupart de ses confrères, avouait franchement que le règlement provisoire imaginé par la Société des Nations pourrait rapidement procurer au Reich de sérieux avantages et mettre la Pologne sous sa dépendance économique.