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entiché de banque et d’un mysticisme dont le contaminait Paul Yvon : le catholique fraîchement converti Paul Yvon rendait le protestant Pierre Tallemant plus dévot, par une influence bizarre où la droite logique aurait eu à redire. Et Pierre Tallemant, las de travail et de tracas divers, s’embrouillait d’une sorte qu’il parlait un « galimatias » difficile à comprendre. On avait pour lui de la déférence ; l’un de ses fils, nommé François, manquait pourtant de patience, étant nerveux. Le bonhomme savait de « bons contes ; » mais il les ressassait : et François ne les voulait plus écouter. Le bonhomme n’osait plus faire un conte sans consulter François d’un regard. Il souriait avec incertitude et semblait demander timidement la permission de radoter. François, trop « mal complaisant, » se levait pour s’en aller. « Reviens, reviens ! » criait le bonhomme. Et François : « Vous ne le direz donc pas ? » Le bonhomme jurait de ne pas recommencer son histoire. Il la recommençait ; il ne pouvait pas se tenir de la recommencer. François se levait encore ; le bonhomme le rappelait. Je ne sais comment Des Réaux le raconte sans chagrin.

François était revenu d’Italie porté vers le catholicisme. Même, il annonça le projet de recevoir la prêtrise. Une chose le retardait, l’ennui d’apprendre la théologie. En outre, il lui traînait dans le cœur le souvenir de ses amours, qui n’étaient pas toutes finies. Son hésitation de mollesse ou de fainéantise ne dura qu’un peu de temps. Il fut prêtre ; il devint aumônier de Madame. Il était mélancolique et intrigant. C’est une question de savoir si l’abbé de Retz n’a été pour rien dans sa conversion ; il faudrait admirer cette anecdote, l’une des plus imprévues que l’on pût mettre au compte de Retz et ajouter à l’étonnante biographie de ce personnage : Retz était capable de tout.

Des Réaux, son intention principale et sa résolution, dès son retour, il eut à la déclarer : jamais il n’entrerait dans la banque ! Son bonhomme de père en montra de la colère et menaça de le déshériter. Au moins, qu’il essayât d’être conseiller ? Non ! Des Réaux avait horreur de la chicane autant que de la banque. Il était, à son avis, poète et entendait que le métier de poète serait, pour lui, tout mêlé de plaisirs et d’une aimable dissipation. Au moins, reprenait le bonhomme, qu’il se mariât ? Des Réaux, du moment qu’il devait choisir entre les exigences du bonhomme, eût préféré celle-là.

Cependant, il n’avait point de hâte et, d’abord, continua de folâtrer. Il fréquenta les cabarets où l’on rencontrait Saint-Amant, Vion Dalibray, quantité de rimeurs et qui « faisaient la débauche » avec entrain. Pour Saint-Amant, qui est une sorte de grand poète, il n’a