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Diode, la trouva toute blanche et blonde. Elle était charmante. Il osa l’en complimenter. Elle lui répondit : « Monsieur, je suis en train de lire Le miroir qui ne flatte point. » Françoise, toute blanche et blonde qu’elle fût, citait du grec et du latin, de l’espagnol et de l’italien, citait Aristote et Platon, citait Zoroastre et Mercure Trismégiste. Ce n’était pas ce que lui demandait Tallemant.

A Florence, l’abbé de Retz et les Tallemant virent Ferdinand II, grand-duc de Toscane, et la grande-duchesse, « une des plus belles personnes d’Italie, » âgée de seize ans, qui souriait à ravir, malgré la disgrâce d’avoir, et si jeune, un « pauvre mari. » A Venise, l’abbé de Retz trouva fort à son goût la signora Vandramina, très noble dame, et qu’il sut se concilier par les agréments de son esprit. L’intrigue devint si périlleuse qu’il fallut que l’ambassadeur du Roi, un ancien président au Parlement, Claude Mallier du Houssay, bon homme et qui ne voulait pas d’ennuis, suppliât Retz de quitter la ville.

A Rome, l’abbé avait résolu de bien faire. Il augmenta son équipage, embellit ses livrées : pour quoi les jeunes Tallemant lui prêtèrent, à fonds perdus, beaucoup d’argent. L’on vit l’abbé fort assidu aux alentours du Vatican, chez les cardinaux et les prélats, parlant théologie et disputant à merveille les plus jolies et difficiles questions. Des Réaux, réformé, ne le suivait pas en telle occurrence et baguenaudait, avec grand plaisir, dans une société des plus mêlées. Le cardinal Antoine Barberin, frère du pape Urbain VIII, le reçut, le trouva gai, ne lui demanda point s’il était catholique et lui donna de connaître plusieurs poètes de chez nous qui cherchaient fortune à Rome, Montreuil par exemple, dit Montreuil le Fou, plus fou que poète, et pourtant poète à son heure.

Les plaisirs de Des Réaux et de ses frères, dont le récit ne serait pas très honnête, et qui ont été leur principale occupation pendant leur voyage, on les peut voir dans les Historiettes. Longtemps après, en y songeant, Des Réaux écrivait : « Je me divertis bien en Italie. C’est belle chose que jeunesse ! » D’ailleurs, il n’avait pas beaucoup regardé, en Italie, les monuments ni les tableaux ; mais il n’a pas feint d’être allé en Italie comme un amateur d’art : c’était un loyal et simple garçon qui se bornait à des curiosités moindres ou d’une autre espèce et qui n’affichait pas de sentiments empruntés.

Au retour, il trouva un peu morne et ennuyeuse la maison de son père. Il s’aperçut que son père n’avait point fait, en sa vie, une réflexion. Pierre Tallemant, qui vieillissait, devenait plus que jamais