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REVUE LITTÉRAIRE

LA JEUNESSE DE TALLEMANT DES RÉAUX [1]

Il suffit d’avoir lu les Historiettes pour être sûr que Tallemant n’a point mené une vie morne et ennuyeuse. La gaieté le prit de bonne heure et le garda : il avait, pour être gai, deux vertus, — s’il faut les appeler ainsi, — malice et curiosité, qui ne sont pas très vite lasses. Il a regardé les gens, autour de lui, sans bonté ni indulgence. Peut-être, à cause de cela, ne les a-t-il pas toujours compris à merveille : il manquait généralement de cette amitié qui éveille l’intelligence et lui rend plus facile un juste sentiment d’autrui. Ses portraits ne sont pas enjolivés ni ennoblis. Ce seraient plutôt des caricatures, bien ressemblantes et telles que le personnage y est plus vrai que dans un portrait d’apparat. Je ne dis pas du tout qu’il soit menteur ; mais du moment qu’il tient, les ayant d’un coup d’œil attrapés, les traits singuliers d’un visage, il vous dessine le visage drôlement et ne cherche pas plus loin qu’une apparence pittoresque. Il a vu M. Ménage, dans l’alcôve de Mme de Rambouillet, « se nettoyer les dents, par le dedans, avec un mouchoir fort sale, et cela durant toute une visite ; » une autre fois, M. Ménage « s’est rogné les ongles devant des gens avec lesquels il n’était pas familier. » C’est mal ! Et vous imaginerez M. Ménage un pédant malpropre.de qui se moque la bonne compagnie. Certes ! continue Tallemant ; les belles dames le supportaient par seule vanité, pour la raison qu’il était célèbre et, la plupart du temps, le fuyaient comme un fâcheux. Or, Mme de La Fayette et Mme de Sévigné lui ont témoigné de l’estime et de l’attachement. Il a été, dans la littérature

  1. Bourgeois et Financiers du XVIIe siècle : la joyeuse jeunesse de Tallemant des Réaux, pur M. Emile Magne (Emile-Paul.)