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à lui qu’on doit ce portrait de la jeune Valmore au regard grave, aux traits adoucis mi-voilés, plus sylphide qu’ondine et dans lequel la fillette est représentée avec deux ailes d’ange la soutenant dans l’espace.

N’oublions pas que, vers ce temps-là ou à peine plus tard, à son frère Hippolyte alors en pension à Grenoble, Ondine écrivait gentiment qu’à l’occasion d’une fête enfantine, dans une petite pièce intitulée l’Ange exilé, elle tenait justement le rôle de l’ange. « Je serai toute habillée en blanc, mes cheveux seront tout bouclés ! » avait-elle dit ; et c’est ainsi que nous aimons à nous représenter cette jeune fille à la vie brève, aux chants épars et dont la nature, qui n’a plus rien de mortel, semble, — tant elle tient à peine à la terre, — appartenir déjà au monde de Dieu.

Après avoir quitté Lyon « avec toute sa famille, sans savoir où elle va emporter leur existence et la sienne, » Mme Desbordes décida, en 1836, de venir à Paris. À ce moment, Ondine avait quinze ans, Inès en avait onze. Toutes deux étaient de charmantes enfants un peu languissantes, douces beautés de keepsake, frileuses et délicates, mais toutes deux différentes : « Inès, — disait sa mère, — l’enfant de ce monde qui a le plus besoin de caresses, » Ondine, au contraire, grande fille volontaire sous son aspect fragile, « un ange de fer, » proclamait, non sans surprise et admiration, Mme Valmore.

A peine cet ange eut-il fait à Paris son apparition que, devant tant de sensibilité mêlée à tant de grâce touchante, le monde s’émut. Tous ceux, poètes, écrivains, artistes qui approchaient Mme Desbordes-Valmore se déclarent séduits par tant de gentillesse et de précocité. Bientôt les plus illustres amis du poète le deviennent aussi de cette enfant. De Lausanne, dès 1838, Sainte-Beuve cérémonieux achève une lettre à la mère en parlant des deux filles : « Je baise le front de votre chère petite (Inès) et la main de mademoiselle Ondine, » dit-il. Balzac, de son côté, écrit : « Adieu donc, baisez Ondine au front pour moi… » Jules de Rességuier en hommage envoie des vers pleins de souvenirs et d’un écho tel qu’il ne faudrait pas, fait savoir la mère pleine d’appréhension à l’auteur d’Almaria, « l’éveiller souvent chez la pauvre Ondine. » Enfin, celui qu’Ulric Guttinguer avait nommé le Loup de la vallée, l’amer et ingrat Latouche, le même pour qui Marceline avait jadis