Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

patriarcale jalouse, profitant de cette évolution aux tendances libérales, reprit la direction de la Sainte Montagne. Aujourd’hui les couvents sont réduits au nombre de vingt, chiffre pour toujours arrêté. Si les Higoumènes demeurent, sortes d’abbés élus à vie, le prôtos a disparu. Le gouvernement de la République monacale incombe à un conseil de vingt délégués, parmi lesquels sont choisis chaque année les quatre épistates détenteurs du grand sceau de la communauté.

Et cependant, tout organisée qu’elle paraisse, tout homogène et pieusement unie qu’elle se montre à nos yeux d’étrangers, tout retranchée qu’elle soit du reste de la terre, la république athonite souffre d’un mal interne grave, d’un mal mortel ) Les vicissitudes politiques s’y sont glissées. Athanase avait rêvé d’une Thébaïde grecque et voici que des Serbes élevaient le puissant monastère de Hilandari ; que les Bulgares s’établissaient au couvent de Zographou et que les Russes enfin, chassant, par un effort patient et opiniâtre, les Grecs de leur propres domaines, pullulaient dans l’orgueilleux couvent de Saint-Pantéleimon. Des Roumains même travaillaient à constituer un monastère. Les moines, en apportant à l’Athos leur foi réelle, y ont. traîné avec eux leurs misères humaines, leur orgueil national, leurs ambitions de races et leurs rancunes politiques. Inspirés, soutenus par leurs pays d’origine, qui trouvent en eux un incomparable instrument de propagande et de conquête, ils marchent à l’assaut de l’hellénisme religieux. ! L’évolution est de celles que rien n’arrête. Ni la résistance du patriarche, ni l’appui du panhellénisme, ni la sympathie faiblissante de l’Occident ne sauvera du naufrage la barque d’Athanase. Lavra se meurt : Pantéleimon grandit. L’église slave s’étend lentement, sûrement sur l’Athos.


* * *

— Ne vous semble-t-il pas que ces mulets sont longs à venir ? s’écrie le général impatienté. Si nous allions au-devant ?

L’acquiescement est unanime. Et nous voilà en file indienne, suivant, le long de la mer, une ravissante piste muletière. Sous les rayons du soleil, les vapeurs qui s’élèvent font un manteau de gaze à la montagne ; la matinée est balme et douce ; l’air a déjà la légèreté, la pureté de l’atmosphère des cimes. Nous passons à travers de hauts buissons de houx, entre