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elles s’espacèrent fort irrégulièrement de juillet à octobre 1820.

La première, — véritable et hardi manifeste, — parut le 23 juillet. Pour l’auteur, la croisade ainsi entreprise avait un double caractère. Elle était scientifique, elle était également politique : scientifique, car l’écrivain prétendait éclairer les faits du passé de leur véritable jour et donner aux hommes des vieux âges leurs caractères, leurs costumes, leur langage ; politique, car il poursuivait la réhabilitation de ces classes moyennes, de ces vaincus qui n’avaient eu dans le passé que silence et dédain et opposait leur histoire à l’histoire trop vantée des nobles et des conquérants.

Dès l’apparition du scandaleux libelle, ce fut une clameur de haro dans toute la presse royaliste. Dans sa fureur, elle dénonça l’« insolent pamphlétaire » à la vindicte des lois, réclama, pour l’exemple, une sévère condamnation. « C’est là, s’écriait le Drapeau Blanc, une des plus coupables tentatives de l’esprit d’opposition, c’est porter une criminelle atteinte à la dignité sacrée du trône, en lui retranchant cinq siècles d’existence, c’est prêcher la guerre civile, chercher à armer les Français les uns contre les autres. Pour beaucoup moins Fréret a été mis à la Bastille. Nous requérons une salutaire rigueur. »

Augustin Thierry ne fut pas envoyé à Sainte-Pélagie, mais la Censure s’acharna contre lui. Sa quatrième lettre sur les Histoires de France de Mézeray, Daniel et Anquetil fut interdite ; de larges coupures mutilèrent les suivantes. Des plaintes se multiplièrent signées de lecteurs mécontents. Le circonspect Kératry s’émut, craignit une désertion d’abonnés. Par surcroît, il subissait l’ascendant de Jouy, et l’auteur oublié de la Vestale, libéral en politique, demeurait traditionnaliste en histoire, admirateur d’Anquetil et de son école. Le rédacteur en chef et son conseiller mandèrent Augustin Thierry pour le prier de choisir un sujet moins dangereux. Aux observations qu’on lui présentait, Augustin Thierry répondit par un refus, rompit avec le Courrier au mois de janvier 1821. L’œuvre du polémiste était close, celle de l’historien commençait.

Qu’allait-il essayer, quel sujet aborder ?… D’honorables scrupules le rendaient hésitant ; toutefois sa résolution fut bientôt arrêtée. « Je me rendais compte du peu de maturité qu’avaient alors mes études sur l’Histoire de France… mais si je me jugeais faible de ce côté, j’avais déjà confiance dans mes