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que nous sommes convaincu de la communauté de nos intérêts que nous nous refusons à enregistrer comme sérieuse cette objection. L’Amirauté nous estimera d’autant plus que nous représenterons à ses yeux des compagnons d’armes dignes de sa « Grande Flotte. » Bref, c’est mal connaître les Anglais que de supposer qu’ils s’élèveront contre nos prétentions légitimes. D’ailleurs, les flottes d’appoint dont nous avons parlé ne sont pas destinées à autre chose qu’à être mises au service de l’alliance tacite que nous avons contractée avec eux. S’ils en doutent, ils n’ont qu’à saisir la plume que nous leur tendons pour signer l’engagement qui était inclus dans le Traité de Versailles, et qui l’est encore dans tous les cœurs français. En attendant, nous ne saurions supposer un seul instant qu’il puisse s’élever une division entre nos deux peuples. Le meilleur gage de notre alliance, ce sont nos deux millions de morts, qui dorment côte à côte sur les lignes de la Somme et de l’Artois. Mais, puisque nous avons recours à coite image funèbre et trop classique, qu’il nous soit permis de dire qu’il existe de par le monde d’autres lombes sacrées : ce sont, disséminées aux quatre coins de l’Afrique et de l’Asie, les sépultures de nos soldats coloniaux, qui sont tombés sur le sol fiévreux pour y porter les bienfaits de notre civilisation. Si nous étions tentés un jour de renoncer à avoir une marine de guerre, la voix de ces héros s’élevant de toutes les latitudes, nous dicterait notre devoir Nous n’avons pas le droit de sacrifier, par notre imprévoyance, le fruit de plusieurs siècles. L’histoire est là, malheureusement, pour nous montrer comment s’acquiert et comment se perd un grand empire colonial.


RENE LA BRUYERE.