Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Grande-Bretagne, avec une population de 52 millions et demi d’habitants, y compris l’Afrique du Nord, une superficie de 10 300 000 kilomètres carrés, et un mouvement commercial de plus de 1 milliards de francs au pair, contre 400 millions d’âmes, une superficie de 34 millions de kilomètres carrés et un mouvement d’affaires de 42 milliards de francs pour l’Empire britannique. Si l’on tient compte que notre puissance coloniale date de la troisième République, on apprécie ainsi à sa juste valeur le développement de la France d’outre-mer qui s’achemine vers une prospérité de jour en jour plus grande. Nous allons y entreprendre de gigantesques travaux. Nous avons donc l’impérieux devoir de veiller jalousement sur ce trésor. Quant à nos intérêts dans le monde, ils sont partout où, depuis des siècles, ont pénétré la science de nos ingénieurs et le génie de nos financiers. En Égypte, en Amérique du Sud, en Orient, en Chine, les capitaux français investis dans les affaires locales sont énormes. Pour ce qui est de notre marine marchande, elle atteindra bientôt cinq millions de tonnes ; elle vient la troisième après celles de l’Angleterre et des États-Unis, et le pavillon tricolore flotte sur de magnifiques unités postales. Allons-nous abandonner a d’autres le soin d’assurer la police et la protection de cette précieuse fortune flottante ?

Retenons également que les vaisseaux sont les meilleurs agents de la propagande à l’étranger. Notre influence en dépend. Nous sommes dans une situation tout à fait déplorable à cet égard, puisque nous ne pouvons envoyer au loin que de vieux croiseurs d’ancien type, qui desservent notre cause plutôt qu’ils ne l’appuient. Nos missions naviguent sur des Jules-Michelet ou des Gueydon vieux de plus de vingt ans. Remarquons en outre que la France, en raison de ses obligations internationales, doit être à même- de participer aux mesures coercitives suggérées par le Conseil de la Société des Nations en vue de contraindre une Puissance à respecter les clauses du « Covenant. » Nous avons reçu le mandat d’administrer certains territoires, ce qui nous amène à détacher des forces navales dans le Levant. Quelle impression peuvent produire les unités vieillies de la République dans les détroits turcs, en présence des cinq superdreadnoughts, des cinq croiseurs légers, des dix-huit destroyers et du navire porte-avions que l’Angleterre vient d’y détacher ? Qu’on le veuille ou non, c’est de l’effacement !