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l’importance de leur commerce, le degré de leur civilisation, et nous croyons aussi, l’ancienneté de leurs traditions maritimes. Ceci posé, imaginons les bases sur lesquelles chaque pays plaidera sa cause devant la Conférence.

Et tout d’abord, la thèse de l’Amirauté est facile à prévoir. Elle est exposée au chapitre II du livre la Grande Flotte, de l’amiral vicomte Jellicoë de Scapa, sous le titre : « Stratégie navale dans les Home Waters, » ainsi que dans le récent discours que M. Winston Churchill a prononcé au commencement d’août dernier à la Chambre des Communes, à propos de la mise en chantier des superdreadnoughts dont nous venons de parler. D’après sir Jellicoë, le but et l’utilité de la marine de guerre britannique est le suivant : assurer aux bâtiments anglais le libre usage de la mer, essentiel à l’existence d’un pays insulaire. — En cas de guerre, exercer une forte pression économique sur l’adversaire, en le privant de l’usage de la mer, — protéger, assister et ravitailler toute armée envoyée outre-mer, — empêcher une invasion ennemie dans les îles britanniques ou dans les Dominions. Quant à M. Churchill, il a déclaré que si l’Angleterre restait dans une situation d’infériorité navale, « elle ne serait plus en état de maintenir sa sécurité. L’Océan, qui sert aujourd’hui de lien entre les diverses parties de l’Empire, serait transformé en une barrière infranchissable ; les Iles britanniques ne pourraient s’alimenter en vivres et se livrer au transport que grâce à la permission des autres, » et M. Churchill né craint pas d’affirmer : « Nos intérêts sont supérieurs à ceux de presque toutes les autres Puissances du monde ; aller à la Conférence de Washington sans commencer à construire quatre grosses unités et consentir, à cette Conférence, à ne pas en construire de nouvelles, ce serait immobiliser la Grande-Bretagne dans une énorme situation d’infériorité. » C’est avouer que l’Angleterre n’acceptera de limitation aux armements que sur la base séculaire de sa prépondérance navale. Le souci de cette prépondérance avait conduit l’Amirauté à adopter avant la guerre l’axiome du two poncer standard, c’est-à-dire d’une puissance équivalente aux deux marines les plus fortes. Aujourd’hui, l’Angleterre abandonne ce principe pour s’en tenir au one power standard, soit à la constitution d’une force égale à la marine la plus importante, mais avec une marge de supériorité lui permettant de