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Kiao-Tchéou, de Sibérie, de l’île de Yap ont envenimé les défiances et surexcité l’opinion. Il n’y a guère d’exemples, dans l’histoire, de conflits aussi graves qui se soient résolus sans combat. Nous voulons croire néanmoins à la paix. Les hommes d’Etat qui, des deux côtés, ont la responsabilité du pouvoir, sont résolument pacifiques ; ils savent que les deux pays auraient, à se battre, beaucoup à perdre et bien peu à gagner. Et comment se battraient-ils à travers les immensités désertes du Pacifique, à 4 500 milles marins de leur base d’opérations ? Mais la paix ne sera assurée que si l’intégrité et l’indépendance de la Chine sont effectivement et loyalement respectées. La limitation des armements, préconisée par le Président Harding, ne sera efficace que si les passions aussi désarment.

A la Conférence de Washington, deux influences s’emploieront de toute leur bonne volonté en faveur d’un règlement juste et pacifique des questions d’Extrême-Orient : celle de la Grande-Bretagne et celle de la France. Un conflit entre l’Amérique et le Japon mettrait la politique britannique dans le plus cruel embarras ; elle est l’alliée du Japon, et l’alliance, qui devait expirer le 13 juillet 1921, a été prorogée, d’année en année, jusqu’à dénonciation. Mais les Dominions, qui sont riverains du Pacifique, attachent plus de prix à l’amitié américaine qu’à l’alliance d’un Japon à l’égard duquel ils partagent les appréhensions et les défiances des Yankees. C’est l’insistance des représentants des Dominions à la Conférence impériale de Londres qui a empêché, en juillet dernier, le renouvellement pour dix ans de l’alliance avec le Japon. Une guerre entre les Etats-Unis et le Japon aurait pour premier effet de disloquer la cohésion morale, peut-être même l’unité juridique, de l’Empire britannique. L’Angleterre elle-même se trouverait acculée à l’angoissante nécessité d’opter entre l’alliance du Japon et l’amitié des Etats-Unis. Beaucoup de Yankees ne verraient pas sans une secrète satisfaction l’Angleterre obligée de résoudre une telle énigme, car l’opinion, en Amérique, n’est pas toujours bienveillante à l’égard de l’ancienne métropole.

S’il était dans le caractère français de rendre à l’Angleterre quelques-uns des procédés dont elle abuse envers nous, il nous serait loisible de pousser au conflit ; nous y trouverions beau jeu ; nous n’ignorons pas quelle serait, dans une telle éventualité, la valeur des bases navales de nos côtes et de celles de nos