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voyageurs de commerce, officiers, ingénieurs, agents de toute nature, tous travaillant pour la patrie japonaise, dénombrant les richesses de la Chine, évaluant aussi son incapacité radicale à les défendre et à les mettre en valeur. Si un fonctionnaire a besoin d’argent, il trouve prêteur ; si une entreprise cherche à se monter, elle trouve bailleur de fonds. Les Japonais en 1910 étaient 3 361 sur la concession internationale de Chang-Haï ; ils étaient 7 169 en 1915 ; et pendant la guerre ils se sont partout multipliés. Leur propagande écrite et orale excite l’opinion chinoise contre les blancs au nom de la solidarité de la race jaune dont ils se présentent comme les défenseurs et les éducateurs. Ils cherchent aussi à faire la conquête morale de la Chine et utilisent à leurs fins jusqu’aux missionnaires bouddhistes qu’une école spéciale prépare à un apostolat plus patriotique que religieux. Ainsi le petit Japonais, peu à peu, chemine, chemine et étend sur tout l’immense pays le réseau de ses intérêts et de ses intrigues. La japonisation de la Chine se poursuit par tous les moyens.

La guerre a été, pour le Japon, une époque de prospérité économique extraordinaire. N’ayant presque plus de concurrence à redouter, les Japonais ont inondé la Chine des produits de leur industrie et ont accaparé les marchés ; ils ont été jusqu’à créer au Japon des cultures de pavot pour vendre aux Chinois l’opium sévèrement interdit chez eux ; ce commerce ne s’est ralenti qu’à la suite des protestations de la presse américaine et même de certains journaux nippons. Ils s’arrangent, grâce aux agents et aux complices qu’ils ont partout, pour organiser à leur profit de véritables monopoles de fait. Le principe de la « porte ouverte » toujours affirmé, respecté en apparence, est constamment tourné. « Les marchandises japonaises trouvent toujours les navires, les facilités d’entrée, les wagons qui sont refusés aux étrangers sous prétexte de formalités mal remplies, de congestion ou d’insuffisance des moyens de transport. Si bien qu’un témoin oculaire a pu écrire : « Mes investigations me permettent d’affirmer qu’il existe un système voilé de droits préférentiels dirigé exclusivement contre les étrangers[1]. » Gros grief pour les Américains qui ont besoin du marché chinois.

Les Japonais usent aussi de l’intimidation. La

  1. Hovelaque, ouvrage cité, p. 315.