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— Alors vous m’aiderez ?

— D’abord, hésita-t-il… peut-être aurais-je besoin d’en savoir un peu plus.

Elle sembla surprise.

— Vous savez ce qu’était mon mari… ce qu’était ma vie avec lui ?

Il fit un signe d’assentiment.

— Eh bien, alors… que faut-il de plus ?… De telles choses sont-elles tolérées ici ?… Je suis protestante ; notre église ne défend pas le divorce dans un cas comme le mien…

— Non, certainement.

Tous deux retombèrent dans le silence. La lettre du comte Olenski était entre eux comme un spectre. Cette lettre n’avait qu’une demi-page, et n’était, comme Archer l’avait dit à Mr Low, qu’une vague accusation de coquin exaspéré. Mais quelle part de vérité enfermait-elle ? Seule la femme du comte Olenski aurait pu le lui dire.

— J’ai parcouru les documents que vous avez remis à Mr Letterblair, dit-il enfin.

— Eh bien… peut-on rien voir de plus abominable ?

— Non, certes.

Elle changea légèrement de position, abritant ses yeux avec sa main.

— Vous savez sans doute, continua Archer, que si votre mari veut se défendre comme il vous en menace…

— Eh bien ?…

— Il peut dire des choses — des choses qui pourraient être désagréables pour vous, les dire publiquement. Elles risqueraient de courir le monde, de vous blesser, si…

— Si ? dit-elle dans un souffle.

— Je veux dire : si peu fondées qu’elles soient.

Elle garda longtemps le silence, si longtemps que ne voulant pas fixer les yeux sur son visage, qu’elle abritait toujours, Archer eut le temps d’imprimer dans son esprit la forme exacte de son autre main, celle qui reposait sur son genou, et tous les détails des trois bagues qu’elle portait. Parmi ces bagues, il remarqua qu’il n’y avait pas d’alliance.

— Mais ses accusations, même publiques, quel mal pourraient-elles me faire ici ?

Il fut près de s’écrier : « Ma pauvre enfant ! plus de mal ici