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Sa gloire et sa popularité reléguaient dans l’ombre la gloire et la popularité royales. Dès qu’il paraissait, les acclamations allaient à lui. La plupart du temps, quand il n’avait pas son harnais de guerre, il était vêtu de satin blanc et ses équipages étaient des plus fastueux, ses armes les plus brillantes. L’état de sa maison comportait, sans compter les femmes de la duchesse, 112 personnes parmi lesquelles des chambellans, des maîtres d’hôtel, des gentilshommes de la chambre, des officiers pensionnaires dont un organiste et un géographe, un aumônier, un trésorier, quatre secrétaires, un médecin, un chirurgien, un apothicaire, des sommeliers, des écuyers, des panetiers, six maitres-queux dont trois galopins, des palefreniers, des muletiers, des huissiers, etc. Avec quoi nourrissait-on un pareil peuple ? Il faut penser que la vie était moins chère qu’aujourd’hui, si j’en crois un relevé du prix des denrées à Annecy en 1599 : on avait un pain clairet, de froment pur, de 13 onces pour 8 deniers[1], un quarteron (double pot, soit près de trois litres) de vin blanc clairet du pays pour 3 sols, une livre de bœuf pour 3 quarts de sol, une livre de mouton pour 4 sols 6 deniers, une livre de tard et de porc salé pour 7 sols, un chapon gras pour 20 sols, une paire de poulets moyens pour 8 sols, une grosse truite pour 12 sols la livre, un fromage gras pour 4 sols, une livre de beurre pour 3 sols, une douzaine d’œufs frais pour 4 sols[2]. Ainsi le duc de Guise nourrissait-il à sa table plus de cent cinquante hommes et femmes de son service et de celui de la duchesse.

Sous le règne de François II, il fut le véritable souverain. Précipité du pouvoir après la mort du Roi, il est bientôt rappelé par la régente, Catherine de Médicis. Le royaume est troublé par les luttes religieuses. On entre dans l’ère sanglante des guerres civiles. A Vassy, où le duc est de passage avec la duchesse qui est enceinte (1er mars 1562), on se massacre jusque dans l’église, et il s’efforce vainement de rétablir l’ordre et d’arrêter l’effusion du sang. Condé et Coligny, pour protéger la Réforme, commencent la campagne. Il gagne contre eux la bataille de Dreux après que le maréchal de Saint-André a été tué et que le connétable de Montmorency a été fait prisonnier.

  1. L’once était de 26 grammes ; le denier était le 12e du sol.
  2. Revue savoisienne, journal publié par la Société florimontane d’Annecy, 1881.