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totaux présentés par les services des régions libérées soient très inférieurs, non seulement à la valeur actuelle de remplacement, mais aux pertes de 1914, et si la créance réclamée à l’Allemagne se trouve ainsi artificiellement réduite, c’est la France qui aura, le moment venu, à supporter toute la différence entre ce que nous recevons du Reich et ce que nous devrons verser aux populations victimes de la guerre. J’espère que MM. François-Marsal, Ogier et Dubois ne perdront pas un instant de vue cette cruelle vérité.

En attendant la fixation de notre créance, l’Allemagne continue, de plus en plus effrontément, à nous faire la nique. On sait qu’aux termes du paragraphe 6 de l’annexe IV du traité, elle est tenue de livrer, à titre d’avance immédiate et en acompte, un certain nombre de têtes de bétail à la France et à la Belgique. Ces livraisons devraient être terminées depuis longtemps. Malgré le zèle du chef de notre mission, M. Massé, elles ne le sont pas. Elles ont été ralenties, puis suspendues. On cherche à nous apitoyer sur le sort des petits enfants d’Allemagne, qui, nous dit-on, manquent de lait. Comme si les petits enfants de Paris en buvaient eux-mêmes tous les jours et comme si la prétendue rareté du lait en Allemagne pouvait justifier les retards dans les expéditions de chevaux !

Mais, suivant des façons qui lui sont habituelles, l’Allemagne accompagne sa mauvaise volonté de lourdes facéties. C’est ainsi qu’à l’heure même où l’un des délégués anglais, M. Barnes, réclamait l’admission du Reich dans la Ligue des nations, sinon au nom du gouvernement britannique lui-même, du moins au nom des ouvriers d’Outre-Manche, l’Allemagne affectait d’envoyer à l’assemblée de Genève une protestation officielle au sujet de la cession de ses colonies. Cette plaisanterie, qui s’annonçait depuis quelque temps, n’est pas, j’imagine, pour plaire beaucoup à l’Angleterre et peut-être ceux de nos amis qui croient qu’on peut, avec l’Allemagne, recourir utilement à la force de la persuasion et renoncer à la persuasion de la force, commenceront-ils à comprendre que notre faiblesse a pour inévitable effet d’enhardir le Reich et de l’affermir dans sa résistance.

Y a-t-il symptômes plus significatifs de l’état d’esprit allemand que le voyage en Rhénanie du chancelier Fehrenbach et du docteur von Simons et que les discours prononcés par ces deux personnages à Dusseldorf et à Cologne? Il est déjà tout à fait étrange que des ministres du Reich puissent faire librement des tournées politiques dans les provinces occupées par les troupes alliées. Après le traité