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polytechniques d’une organisation très moderne et fréquentées par un grand nombre d’étudiants. La nécessité, vivement ressentie par la jeunesse polonaise, de mettre en valeur sans tarder toutes les richesses du pays, de développer l’industrie, le commerce et les transports, ne manquera pas de pousser beaucoup de jeunes hommes à l’étude des sciences appliquées. Enfin l’esprit démocratique qui domine en Pologne aura peut-être pour effet, sinon de diminuer le prestige de l’enseignement universitaire, qui garde partout un certain caractère aristocratique, du moins de lui susciter des concurrents, en relevant l’importance de l’enseignement technique.

J’ai voulu savoir dans quelle proportion les diverses classes sociales contribuent à fournir la clientèle des Universités et des grandes écoles. Les circonstances présentes, qui retiennent aux armées une grande partie de la jeunesse, ont rendu l’enquête difficile. Le seul fait qui s’en dégage avec certitude, et qui m’a semblé remarquable, c’est l’attrait que l’Université continue d’exercer sur les paysans polonais. Le tout petit propriétaire, s’il a mis quelque argent de côté, envoie un de ses fils à l’Université. On m’a assuré à Cracovie que ces fils de paysans sont généralement les étudiants les plus sérieux et les plus ardents au travail ; tantôt une certaine lenteur d’esprit et le manque de toute culture antérieure les empêchent de s’élever au niveau de leurs condisciples bourgeois ; parfois, au contraire, ils les dépassent comme d’un seul bond et se forment, à leur manière, qui n’est pas traditionnelle, mais originale, un ensemble de connaissances tout à fait remarquable. Quelques-uns sont aujourd’hui professeurs d’Université. M. Morawski m’a conté l’histoire d’un de ses jeunes collègues, qui ne manque jamais aux vacances d’automne de labourer lui-même les champs de son père. A la rentrée dernière, il le vit arriver à l’Université avec un large emplâtre sur le visage : un bœuf de charrue, qui s’était dégagé du joug, avait déchiré d’un coup de corne la joue du professeur-paysan. Voilà encore un argument propre à confirmer les théories politiques de M. Witos, lequel compte d’ailleurs parmi ses partisans un certain nombre de professeurs et d’étudiants.


L’UNIVERSITE POLONAISE ET L’INFLUENCE ALLEMANDE

Les grands éducateurs de la jeunesse polonaise n’ont pas cessé de puiser leur inspiration à deux sources : l’antiquité