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AU PAYS BRETON

V.[1]
PAR LES ROUTES

L’équinoxe passé, j’aime à courir un peu le pays dans la direction de la grande mer. Il est plus doux, plus seul, sous un azur apaisé ou sous des voiles de grisaille tendus très bas, comme pour plus de quiétude et de secret. Les champs reposent, les pailles rasées luisent plus doucement dans les chaumes ; la lande couverte d’un ajonc bas commence à refleurir. Entre les graves pins qui s’espacent, elle étend son miel, un miel plus mûr et tièdement parfumé que celui du printemps. Et l’on voit des fumées bleues monter dans les bois.

Par les plus beaux jours, la lumière qui baigne les lignes d’herbe aux côtés de la route est toute molle et sans force. Le souvenir de l’été rayonne et s’alanguit sur ces campagnes. Si tendre, et plus émouvant que l’été, c’est quelque chose comme le bel effluve crépusculaire, la traîne de clarté rose et dorée qui suit, par un soir pur, la disparition du soleil, et longuement s’attarde dans l’espace.

Mais la marque de l’automne est déjà sur les choses. Dans les énigmatiques avenues que l’on retrouve partout dans ce pays, déjà les petits hêtres, les chênes, ne sont plus verts. Dès la fin d’août, dans les lieux exposés aux vents du large, leur feuillage hérissé tourne à ce brun de rouille qui ajoute alors au pathétique du paysage breton.

  1. Voyez la Revue des 1er juillet, 1er et 15 août, 15 novembre.