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projets d’alliance, je préfère que vous consultiez Mr Low ou Mr Lamson.

Mr Letterblair parut surpris et légèrement froissé. Généralement un jeune associé ne rejetait par de telles ouvertures. Il s’inclina.

— Je respecte votre scrupule, monsieur ; mais, dans le cas présent, je crois que la vraie délicatesse vous oblige à faire ce que je vous demande. La proposition, du reste, ne vient pas de moi, mais de Mrs Manson Mingott et de son fils. J’ai vu Lovell Mingott, et aussi Mr Welland ; ils vous ont tous désigné.

Archer eut un mouvement d’irritation. Depuis quinze jours il s’était laissé porter par les événements. La beauté, le charme de May lui avaient fait oublier la pression des chaînes Mingott. Le commandement de la vieille Mrs Mingott lui rappela tout ce que le clan se croyait en droit d’exiger d’un futur gendre : il se rebiffa.

— C’est l’affaire de ses oncles.

— Ses oncles s’en sont occupés : la question a été examinée par la famille. Tous sont opposés au désir de la comtesse, mais elle tient ferme, et insiste pour avoir un avis juridique.

Le jeune homme gardait le silence. Il n’avait pas ouvert le paquet qu’il tenait toujours à la main.

— Est-ce qu’elle veut se remarier ?

— On le suppose ; mais elle le nie.

— Alors ?

— Vous m’obligerez, Mr Archer, en parcourant d’abord ces papiers. Ensuite, quand nous aurons examiné la question ensemble, je vous dirai mon opinion.

Archer sortit, emportant à contre-cœur les documents. Depuis leur dernière rencontre, les circonstances l’avaient aidé à se libérer de la pensée de Mme  Olenska. Les instants passés au coin de la cheminée les avaient amenés à une intimité momentanée, que l’arrivée du duc de Saint-Austrey, pilotant Mrs Lemuel Struthers, et si bien accueilli par la comtesse, avait interrompue assez à propos. Deux jours plus tard, Archer avait assisté à la comédie de la rentrée en grâce de la jeune femme auprès des van der Luyden. Il s’était dit, avec une pointe d’aigreur, qu’une femme, qui, par ses remerciements à propos d’un bouquet de fleurs, avait su toucher le vieux et important personnage qu’était Mr van der Luyden, n’avait nul besoin, ni des