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tempérament de Napoléon Ier en moins. La politique des Cent-Jours, c’est-à-dire répudiation de l’esprit de conquêtes, gouvernement parlementaire, autonomie nationale, frontières maintenues où elles sont, rien de moins, rien de plus, le tout, sans la crainte que le caractère préjugé indomptable et sujet à des retours de Napoléon Ier devait faire naître. Voilà la politique extérieure que doit avoir la France en 1830. Elle est digne d’elle, elle est fière, elle satisfait, elle doit satisfaire suffisamment l’amour-propre national, elle est conforme à la dernière pensée du héros que la France adore encore, dernière pensée qu’on n’a pas le droit de supposer n’avoir pas été sincère, et enfin elle est nécessaire.

Devoirs d’énergie. Ils sont considérables. La France va coûter davantage aux Français. Il ne faut pas s’imaginer qu’on ait conquis l’âge d’or. Il faut payer la gloire très légitime et très précieuse de remonter d’un rang dans la hiérarchie des nations. Il faut désormais une armée très forte. La France redevient un camp au milieu de l’Europe. Comme l’a dit Thiers dans une formule exagérée, mais qui n’est pas fausse, la Restauration avait pour armée la Sainte-Alliance, la France de juillet n’a pas la Sainte-Alliance contre elle, mais elle ne l’a pas pour elle non plus, et elle doit avoir une armée puissante. Politique de paix très armée, telle doit être la pensée dirigeante.

Cette politique est extrêmement ingrate, parce qu’elle consiste à faire appel à la confiance en suscitant des défiances continuellement. Elle est tout à fait antinomique, elle aussi. Mais elle est nécessaire, tant que la Sainte-Alliance existera, et il n’y a aucune chance que la Sainte-Alliance disparaisse à quinze ans, ou à vingt ans, ou à trente ans de 1815. On croit trop que, quand un état de guerre a cessé, il a disparu. Ces disparitions absolues n’existent pas dans la nature. L’état de guerre, après avoir cessé, reste à l’état latent. L’Europe est en guerre permanente depuis le XVIe siècle, elle l’est surtout depuis la Révolution et l’Empire. La Sainte-Alliance, c’est la ligue de défense contre la France conquérante. Elle existera longtemps après que la France aura affirmé et même prouvé qu’elle ne songe plus aux conquêtes. Tant qu’elle existera, la France doit être à la fois pacifique et redoutable.

D’ici à ce que les défiances de l’Europe aient cessé, outre