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Chez le baron Tauchnitz. Il est très complaisant, a beaucoup vécu en Angleterre, est très « anglaisé, » m’offre une place dans sa loge pour ce soir, regrette mon court séjour et l’impossibilité de me présenter dans le monde ; tous les gens riches sont à la campagne. Il est dans son bureau, bureau très simple, fait seulement pour les affaires. — Selon lui, il est très difficile de dire avec sûreté le chiffre des tirages de livres ; il faudrait le demander à l’éditeur spécial, et celui-ci répondrait rarement. Pour les journaux, cela est plus facile, il m’enverra une note à Paris. L’Illustrierte Zeitung, que publie Brockhaus, tire à 12 000 ; le plus répandu est le Garlenlaube, 250 000. — Les classes populaires sont plus instruites qu’en France et en Angleterre, en raison de l’enseignement obligatoire. Pour l’aristocratie, les classes supérieures, rien n’est comparable à l’Angleterre, nulle part on ne voyage tant, on n’est si sérieusement renseigné. Ici les dames lisent les journaux littéraires (il s’en fonde beaucoup, par exemple le Neue Blatt de Paul Lindau), beaucoup de livres faits pour populariser la science, surtout l’histoire naturelle. Un grand nombre sait l’anglais, lit les romans anglais et Macaulay. Mais il n’y a pas de Macaulay en Allemagne, pas de mémoires comme les mémoires français. Elles lisent aussi les romans français. — Rien de semblable ici à la Revue des Deux Mondes et aux grands trimestriels anglais. La séparation est bien plus grande qu’en France ou en Angleterre entre le public cultivé et les gelehrten[1].


6 juillet.

Visite à M. R. directeur des concerts à Gewandhaus. Tous ces gens sont fort pressés ; j’abrège pour épargner leur temps. Gewandhaus est un institut musical fondé par Mendelssohn, et qui se suffit à peu près : 80 thalers par an par élève et 150 élèves ; on y apprend le chant, les instruments ; en outre, cours littéraires et historiques ; c’est une université complète à l’usage des musiciens. L’institut donne 23 concerts par an en hiver ; ces concerts font leurs frais à peu près. Mais c’est une œuvre de dévouement que d’être professeur, on le fait pour l’art et l’honneur : M. R. est payé à l’institut un thaler par leçon, 2 thalers en ville, et quand il va en Angleterre pour la saison,

  1. Savants.