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Colette se réconcilient, et que le ménage, après avoir doublé ce cap des tempêtes, n’a plus rien à redouter.

Un brillant succès a accueilli cette pièce légère et gaie, très bien jouée par Mmes Marthe Régnier et Jeanne Cheirel, et par MM. Victor Boucher, André Lefaur et Pierre Stéphen.


Je ne crois pas que M. Pierre Wolff, qui est un vieux routier du théâtre, ait jamais montré plus de dextérité et une plus heureuse entente de la scène que dans sa nouvelle pièce : les Ailes brisées. Le sujet offrait toute sorte de dangers. Car ce n’est rien de très palpitant que les mélancolies d’un vieux viveur, à l’instant où la nécessité lui apparaît de faire la retraite. Et d’autre part la situation d’un père rival de son fils ne laisse pas d’être scabreuse. Mais M. Pierre Wolff est passé maître dans cet art de jouer la difficulté et de s’arrêter à l’exacte limite. Don Juan vieilli s’appelle ici M. Fabrège. Il a invité à dîner une Mme Rémon qui se moque gentiment de lui. Au dessert, le fils de l’amphitryon, Georges Fabrège, arrive tout exprès de Londres, pour troubler la fête galante. Le père ne tardera pas à s’apercevoir qu’il a pour rival, et pour rival heureux, son propre fils. Alors il lui sautera à la gorge. Et nous serons très émus, mais tout de même tranquilles. Nous avons confiance en M. Pierre Wolff. Il ne permettra pas au père de serrer très fort et soufflera au fils un ingénieux mensonge. Pour finir, le vieux viveur se décide à céder la place à son fils et lui donne sa bénédiction, non sans essuyer un pleur.

Le rôle le meilleur est celui du raisonneur, Pascal, d’ailleurs excellemment tenu par M. Joffre. Mme Jane Provost est une Mme Rémon tout à fait séduisante et brillante. M. Paul Bernard a obtenu le plus beau succès pour la chaleur et la jeunesse avec lesquelles il a joué le rôle du jeune Georges Fabrège,


La Comédie-Française a eu l’excellente idée d’emprunter à la Revue l’acte de M. Paul Bourget, le Soupçon, pour le faire voir aux chandelles. Il serait superflu de louer une œuvre dont tous nos lecteurs ont pu apprécier les hautes qualités et le puissant raccourci. Toute la question était de savoir comment se comporterait à la scène cet ouvrage qui n’a pas été écrit pour elle. L’effet a été grand, incontestable. La raison n’en est pas seulement à la qualité de ce dialogue nerveux, serré, où tout fait balle. Elle est plus profonde. Ce qui importe surtout, au théâtre, c’est le mouvement. A la façon dont se déroule l’action dans