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suffit, puisque là sa liberté totale s’assure, puisqu’il n’y aura jamais ni un franc dépensé qu’elle n’ait voté, ni un gouvernant qu’elle n’ait choisi par ce seul fait qu’elle ne l’a pas renversé, pouvant le faire.

Cette liberté, c’est la vraie. L’autre, c’est celle de l’ancien régime, c’est celle des « carlistes ; » elle est illusoire, et elle est incohérente : « Ceux qui demandent le rétablissement des anciennes franchises sont tout simplement ceux que nous appelons carlistes, ce sont ceux qui aiment mieux les libertés que la liberté. La liberté veut l’unité. Cette unité, qui l’a faite ? Ce n’est pas la Restauration, c’est l’Assemblée constituante, c’est la Convention, c’est Napoléon, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus révolutionnaire au monde, et quand vous voulez retourner aux anciennes franchises, c’est vous qui êtes rétrogrades, ce n’est pas nous. » — « Avant 89, il n’y avait pas la liberté, il y avait les libertés. Il n’y avait pas de justice uniforme, il y avait des parlements, et, en passant d’un pays dans un autre, la législation changeait comme les coutumes ; il y avait des pays d’Etat qui avaient d’anciennes capitulations remontant jusqu’à la conquête ; il y avait des communes indépendantes… 89 a voulu qu’il n’y eût qu’une seule loi, une seule justice, un seul système d’administration. Depuis que 89 a fait cela, il en est résulté que la liberté est où elle doit être ; elle est dans la Chambre, elle est dans les corps qui doivent résister : elle n’a pas besoin d’être ni dans les parlements, ni dans les assemblées d’Etat, ni dans les communes ; la liberté est ici dans son véritable siège, dans les assemblées législatives. » — « En général nous commettons une grave erreur, lorsque nous comparons l’état actuel au passé. Si nous ne pouvons pas jouir des libertés d’autrefois, c’est qu’elles ont été régularisées ; elles ont été conservées là où elles pouvaient être utiles, et déplacées de là où elles ne pouvaient plus l’être. »

Voilà la liberté pour Thiers. Elle n’a rien de personnel, et rien non plus de corporatif ; elle est nationale. Elle n’est, ni pour un homme, ni pour un groupe, le droit de se protéger et de défendre son développement ; elle est dans le fait d’être représentée dans une Chambre qui gouverne. « La vraie liberté, savez-vous où elle est ? Elle n’est pas dans cette faculté anarchique donnée aux uns de fonder des congrégations, aux autres d’établir des clubs. La vraie liberté est ici. J’apporte une