Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 60.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

alliés qu’il a révoqué ou remplacé environ quinze préfets, que ce n’est pas de sa faute si le conseil qu’il a fait donner au chef de l’espionnage allemand, le baron Schenk, de quitter Athènes n’a pas été suivi et si le personnage a fait la sourde oreille. Les gouvernements alliés répondaient à cet effort en accordant à M. Zaïmis certaines satisfactions : les armateurs grecs s’étaient plaints que leurs bateaux étaient retenus un peu partout par les Alliés ; ordre fut envoyé dans tous les ports de les relâcher.

Cet échange de bons procédés ne dissipait pas les défiances des témoins de ce qui venait de se passer. On a vu ce qu’en pensaient les représentants des Alliés résidant à Athènes. Dans une lettre au Ministre de la Marine, l’attaché naval de la Légation de France s’unissait à eux. « Notre succès diplomatique aurait été beaucoup plus complet, s’il avait été appuyé par une exhibition de la force. Si la flotte était à Salamine, l’application du nouveau régime aurait été beaucoup plus franche. Sous une forme extérieure plus correcte, l’organisation ennemie continuera à s’exercer en dessous parce que le pays n’a pas eu le spectacle de la force qui en impose. Il faut s’attendre à des embûches perpétuelles. La facilité avec laquelle le Roi a cédé prouve que nous n’avons pas exigé assez. Dans quelque temps, on sera obligé de demander le contrôle de la police, des douanes et des postes, comme je l’ai toujours dit, ainsi que la suppression de l’état-major. La seule façon d’atténuer cette déception sera de faire, dans quelque temps, une démonstration navale amicale au Pirée et aux ports principaux. Il suffira de choisir un prétexte au cours des élections nouvelles, et ce sera d’ailleurs une façon d’en assurer le succès. Il est absolument nécessaire que la Grèce voie notre puissance. Nous avons voulu éviter une humiliation aux Grecs en leur épargnant cette exhibition : cette idée est contraire à la mentalité grecque. Nos partisans, c’est-à-dire tout le pays, désirent au contraire voir cette force pour se donner à eux-mêmes du cœur au ventre et se vanter de la Puissance sur laquelle ils s’appuient. La venue de notre escadre n’aurait humilié que le Roi, et c’était précisément le but à atteindre pour l’isoler davantage de son peuple, puisqu’il veut 1e pousser dans une voie contraire à nos intérêts.

« Par ailleurs, tout s’est très bien passé. Hier soir, tout le monde était devenu vénizéliste. Les cochers me saluent en criant : « Vive la France ! » et mon cuisinier a été ce matin au