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étaient disséminés les mouchards de la police germanophile et les manifestants à ses gages, acclamait frénétiquement le souverain. Après son départ, ce fut au tour des ministres d’être applaudis. Dans ce tumulte, un cri de protestation se fit entendre : « Ils sont tous payés par Schenk. » C’était un étudiant qui avait poussé ce cri. Houspillé par les braillards, il fut entraîné dehors par la police et frappé de coups de plat de sabre par un officier.

A l’issue du spectacle, les manifestants, ouvertement protégés par les gendarmes, allèrent briser les vitres et les lampes électriques des bureaux de la presse vénizéliste, poussant des cris de mort et tirant des coups de revolver contre les rédacteurs, barricadés en hâte dans leurs bureaux. La maison de M. Vénizélos fut l’objet des mêmes actes d’hostilité. Pour finir, ils allèrent défiler devant la Légation d’Angleterre et la Légation de France en criant : « A bas l’Entente, vive Gounaris ! »

A la même heure, on donnait, sur un théâtre populaire, la première représentation d’une revue subventionnée par le baron Schenk où officiers et soldats français, en uniforme, paraissaient sur la scène pour y jouer le rôle de voleurs et de lâches. Une femme représentant Verdun tremblait de peur devant un gros canon allemand. Pour mettre un terme à ce scandale, le ministre de France fit savoir au gouvernement grec que, si ce spectacle n’était pas immédiatement supprimé et si l’uniforme français paraissait encore sur un théâtre, il exigerait une réparation exemplaire. A la fin de cette journée d’outrages, on pouvait lire dans la presse libérale : « Les libéraux, amis de l’Entente, sont à la fois contents et consternés ; contents parce qu’ils attendent du dehors la protection nécessaire, consternés parce que cette protection tarde à venir et que l’insolence des énergumènes augmente chaque jour. »

Ces incidents constituaient une preuve nouvelle de la perfidie du gouvernement grec, de ses dispositions haineuses contre l’Entente, du caractère déloyal de sa prétendue neutralité et ne pouvaient qu’encourager les Puissances alliées à exécuter sans retard le plan définitif dont elles achevaient l’étude.

Il importait maintenant de mettre le gouvernement grec hors d’état de se dérober de nouveau et ce résultat ne pouvait être obtenu qu’autant que les Alliés se montreraient résolus à user de la force, s’ils y étaient contraints. Il fut donc convenu,