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contradicteurs dans des pièges, à force de mensonges, d’échappatoires, et de ruses. Malgré ses quatre-vingts ans, il jouit d’une santé robuste ; mais lorsque dans une discussion, il est réduit, par son interlocuteur, à l’impossibilité de le rallier à son opinion, il feint une défaillance subite. Il se renverse dans son fauteuil en portant la main à son cœur et en murmurant : « Cette maladie de cœur me tuera avant qu’il soit longtemps ; je suis à bout de forces. » Ceux qui le connaissent savent que sa mémoire est implacable ; il s’en est souvent flatté : il n’en gémira pas moins de n’avoir plus de mémoire. Mais cette comédie ne le mettra pas à l’abri du coup que lui portera l’attitude plus exigeante de l’Entente ; elle l’acculera à la démission.

Son futur successeur, M. Zaïmis, gouverneur de la Banque nationale, qui a été déjà ministre, rôde dès ce moment autour du cabinet menacé, non qu’il ambitionne de nouveau le pouvoir, mais parce qu’il n’ignore pas qu’en cas de crise ministérielle, c’est lui que le Roi appellera, ainsi qu’il l’a déjà fait à plusieurs reprises ; il l’enverra chercher à la Banque, pour lui confier la direction des affaires pendant les heures difficiles. M. Zaïmis est le terre-neuve du gouvernement grec. Un danger se montre-t-il sur l’horizon, on le convoque ; le danger passé, on le renvoie. Ce n’est pas un méchant homme ; il laisse l’impression qu’il est inconscient, mais de bonne foi. C’est ainsi que le jugera M. Jonnart, envoyé en 1917 à Athènes comme haut-commissaire de la République, pour exiger l’abdication de Constantin. Il l’emploiera à porter au Roi cette exigence, et M. Zaïmis s’acquittera résolument de cette mission délicate, quoique la mort dans le cœur.

A côté de ces personnages, il en est d’autres, des Grecs, qui ont été au pouvoir et brûlent d’y revenir pour servir l’Allemagne et détruire à jamais l’influence du « paria » Vénizélos ; ils sont légion. Il y a aussi des étrangers comme le baron Schenk, agent des usines Krupp, comme Hoffmann, organisateur de l’espionnage allemand, qui évoluent ainsi que des ombres plus ou moins dissimulées sur le théâtre suggestif qu’est la cour d’Athènes. Ils sont trop pour être tous désignés ici.

Mais il en est un duquel on peut dire qu’en lui se résument les autres : c’est le diplomate Streit, homme sans conscience, bon à tout, prêt à tout. Il a détenu le portefeuille des Affaires étrangères sous le monarque défunt et sous Constantin. Ayant