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M. Leygues et M. François-Marsal ont, tous deux, protesté très haut de leur intention d’exécuter intégralement le traité de Versailles et de faire payer l’Allemagne. C’est ce que veulent tous les Français qui apportent, en ce moment, leurs économies à l’État pour assurer le succès de l’Emprunt. Ils ont confiance dans le crédit de la France, parce qu’ils ont confiance dans son énergie. Aucun d’eux n’accepterait qu’elle renonçât aux fruits de la victoire. Aucun d’eux n’accepterait que, par notre faiblesse, l’Allemagne s’enrichît à nos dépens. Consultez la balance commerciale du Reich en 1919 et en 1920 ; lisez les intéressants commentaires qu’en a donnés M. Charles Brouilhet, professeur d’économie politique à l’Université de Strasbourg. Vous verrez comment l’Allemagne, après avoir importé les produits alimentaires et les matières premières dont elle avait besoin pour se relever, et après s’être d’abord théoriquement endettée d’une moyenne de trois milliards par mois, a peu à peu accru ses exportations, fait disparaître, aux approches du printemps, le déficit mensuel et obtenu, dès le mois d’avril et de mai, des excédents considérables. En même temps, le Worwärts nous annonce que cent mille vaches laitières, offertes par la générosité américaine, sont en route à destination de la Saxe, tandis que l’Allemagne nous menace de suspendre la restitution du cheptel dans les régions dévastées. Toutes les vaches grasses pour les agresseurs vaincus ; quelques vaches maigres pour le peuple de la Marne et de Verdun, est-ce une justice dont se puisse satisfaire l’humanité ?

Raymond Poincaré.
Le Directeur-Gérant :
René Doumic.