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que penser de la sincérité de leur repentir, lorsqu’ils nous imputent leurs crimes et lorsqu’ils nous accusent de leur avoir « pris » l’Alsace-Lorraine ? Le Times a montré, dans plusieurs de ses derniers numéros, la persistance de cette propagande effrontée, qui tend à falsifier la vérité, tantôt aux dépens de la France, tantôt aux dépens de l’Angleterre, et qui prend les formes les plus variées pour arriver à semer la méfiance entre les Alliés. Il a notamment cité un tract qui circule en Allemagne et aux États-Unis et dont l’auteur prétendu serait un Américain d’origine germanique, appelé Hansen, et revenu aujourd’hui dans le pays de ses pères. Ce Hansen raisonne, bien entendu, comme la Deutsche Tageszeitung : il s’en prend à l’Angleterre, au roi Édouard VII, et à la France, dont la vanité, dit-il, est si enfantine que si, avant la guerre, l’Allemagne lui avait gracieusement offert sur un plat d’argent l’Alsace-Lorraine et les cinq milliards de l’indemnité de 1871, elle aurait dédaigneusement rejeté ce cadeau. Voilà de quelles sottises on nourrit encore l’esprit des populations allemandes.

Pour que les choses en soient arrivées à ce point, il faut que, depuis le commencement de l’année, les Alliés se soient étrangement trompés sur la psychologie de nos anciens ennemis ; et si nous jetons en effet un coup d’œil en arrière, nous serons effrayés de ne voir, sur le chemin que nous avons parcouru, que des débris du traité. Quelques publicistes français, le jugeant médiocre, auraient désiré qu’on se hâtât de le réviser. C’était, à mon avis, méconnaître les difficultés à peu près insurmontables d’une reprise des négociations. L’Amérique, absorbée tout entière par la prochaine élection présidentielle, avait, pour quelques mois, pris congé de l’Europe ; l’Angleterre, qui avait obtenu, à Versailles, la destruction de la puissance maritime et coloniale de l’Allemagne, n’avait plus aucune raison de nous faire des concessions supplémentaires. Dans ces conditions, il était fort à craindre que toute révision n’eût lieu contre nous. Plutôt que de courir les hasards de conventions nouvelles, nous devions donc tirer le meilleur parti du traité et nous entendre avec nos alliés pour contraindre l’Allemagne à remplir ses obligations. Est-ce bien ainsi que nous avons procédé ? Sous prétexte que le traité posait des principes dénués de sanctions, nous avons abandonné les principes et nous n’avons pas les sanctions. Nous les avons sur le papier pour le charbon et pour le désarmement. Mais, pour les réparations, nous n’avons rien de positif et quant au papier, le traité de Versailles nous le donnait déjà.