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idées. Au surplus, qu’importent difficultés et objections ! Répétons-nous la forte parole du Taciturne : « Il ne suffit pas d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » L’essentiel est d’agir. Notre exemple en décidera d’autres. Et si l’on veut vraiment essayer d’arriver à une entente avec ce peuple, il faut bien aller à lui et lui parler, chacun avec sa langue, et son cœur.

Pour cette première conférence, nous n’avons pas à nous plaindre. Les Français sont venus en nombre, et on me montre une trentaine de Mayençais. « C’est une victoire, » nous dit un des Français les mieux au courant du monde rhénan. Acceptons-en l’augure. De fait, dès la fin de ma conférence, quelques-uns des Rhénans présents tiennent à venir nous remercier de notre effort, et à nous assurer de leur concours. En revanche, lorsque nous portons notre compte rendu aux journaux allemands du cru, ils refusent tous de l’insérer, sous des prétextes divers, avec beaucoup de politesse, mais d’une façon péremptoire. C’est que, depuis la guerre, toute cette presse prend ses directions à la Wilhemstrasse. N’importe : nos conférences seront traduites et publiées, et elles porteront un peu de vérité à ces âmes réveillées d’un long mensonge.


28 janvier.

J’ai fait connaissance avec une Lorraine établie en Rhénanie depuis nombre d’années ! Quoique Allemande officiellement par sa naissance et son mariage, Mme S… n’a jamais caché ses sentiments français, ce qui lui a valu pendant la guerre d’innombrables ennuis. Toutefois, la légitime considération dont elle jouit en la vieille cité qu’elle habite lui a évité la déportation. C’est une femme encore jeune, avec une certaine douceur triste. Est-il besoin d’ajouter qu’elle parle le français avec la pureté de Colette Baudoche, dont elle a même ce joli petit accent chantant que l’on entend auprès de la Moselle harmonieuse ?

— Monsieur, me dit-elle avec fierté, nous n’avons jamais cessé de parler français à la maison. Et le mieux est que nous avions prié les amis, tous Rhénans, que nous recevions, de ne parler que français à la maison.

Celle-là, comme on dit, n’y va pas par quatre chemins. Elle ne s’embarrasse pas des stipulations du traité de paix où des difficultés de la Haute Commission.