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À Vienne, voici qu’avant de se séparer en vue des très prochaines élections générales, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité une résolution qui émanait naturellement, elle aussi, des pangermanistes et qui enjoint au gouvernement autrichien de faire procéder, dans un délai de cinq mois, à un plébiscite sur le rattachement du pays à l’Allemagne. On sait qu’aux termes du traité de Saint-Germain, l’indépendance de l’Autriche a été proclamée inaliénable et que l’Autriche s’est formellement engagée à s’abstenir, à moins d’y être autorisée par le Conseil de la Société des Nations, de tout acte qui fût de nature à compromettre, directement ou indirectement, cette indépendance. Sous l’influence des pangermanistes, l’Autriche se conduit donc à peu près vis-à-vis du traité de Saint-Germain comme l’Allemagne vis-à-vis du traité de Versailles. Le « Conseil suprême » avait cependant déjà pris soin, le 16 décembre 1919, de lui rappeler les obligations qu’elle avait contractées. C’était à propos du Tyrol et du Vorarlberg. Un avertissement solennel, signé de M. Clemenceau, avait été envoyé à l’Autriche et elle avait été prévenue que les Puissances alliées s’opposeraient à toutes tentatives capables de porter atteinte à l’intégrité du territoire autrichien. Il est vrai qu’à en croire les déclarations faites à Innsbrück par le docteur Renner, M. Nitti n’en aurait pas moins laissé espérer à l’Autriche l’abolition de l’article 88. Mais, depuis lors, M. Giolitti a succédé à M. Nitti et, lorsqu’il a rencontré M. Millerand à Aix-les-Bains, tous deux sont tombés d’accord pour reconnaître publiquement, dans le traité de Saint-Germain comme dans le traité de Versailles, la « pierre angulaire » du monument de la paix. Nous avons donc le droit de penser que les Alliés seront désormais unanimes dans l’attitude à adopter vis-à-vis de l’Autriche.

À la vérité, il ne suffira pas de lui interdire de se réunir à l’Allemagne pour que le traité de Saint-Germain devienne une réalité durable. J’ai précédemment indiqué toutes les objections qu’il soulève et qui ont été exposées devant les deux Chambres, lorsqu’il y a été discuté. L’Autriche ne possède plus qu’un territoire d’environ quatre-vingt-trois mille mètres carrés ; elle ne compte guère plus de six millions d’habitants, dont deux millions dans la capitale. C’est donc un corps ethnique assez mal constitué, avec une très grosse tête et un très petit corps. D’autre part, cette région a particulièrement souffert du blocus ; et, comme elle n’a que peu de terres propres à la culture des céréales, la situation alimentaire y a été, au lendemain de l’armistice, exceptionnellement grave. L’état des