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au mieux les richesses naturelles du pays, a monopolisé à son profit, sinon la production elle-même, du moins la répartition et la vente d’un certain nombre d’articles importants. L’alcool est fabriqué par les industriels en régie, pour le compte de l’Etat ; le charbon, le pétrole, le gaz naturel, le sucre, ne sont distribués et vendus que par l’Etat ; d’autres produits, comme le bois, sont étroitement « contingentés » et ne peuvent être vendus soit à l’intérieur, soit à l’étranger, qu’avec l’autorisation de l’Etat, sous son contrôle et aux prix qu’il a fixés.

Ce système offre quelques avantages incontestables : il permet à l’Etat de contrôler rigoureusement La production et d’en réserver pour l’exportation une part importante ; en outre, il assure à l’ouvrier, par ces temps de vie difficile, des avantages que celui-ci apprécie beaucoup plus que toutes les augmentations de salaire. Avant d’abandonner le travail, l’ouvrier songe que, du jour où il quittera l’usine, il n’aura plus accès au magasin ; où et à quel prix se procurera-t-il, pour lui et pour sa famille, les denrées de première nécessité ? Cette considération a empêché bien des grèves.

Mais les producteurs polonais reprochent souvent à l’État une intervention qui gêne leur liberté, et, en limitant étroitement leurs bénéfices, décourage l’initiative et stérilise le progrès technique. Or initiative et progrès technique ne contribuent point pour une faible part à l’accroissement de la production. Je me trouvais à Boryslaw au moment où l’on décida d’étendre à tout le territoire l’application du décret qui attribue à l’Etat en Galicie occidentale le monopole de la distribution du gaz naturel. On sait que le gaz s’échappe des puits de pétrole en si grande quantité, qu’après avoir chauffé les chaudières et actionné les machines des industries pétrolières, il suffit encore à fournir l’éclairage et le chauffage à plusieurs villes. « Provisoirement, m’expliqua le directeur d’une grande société de Boryslaw, les maisons qui ont entrepris le transport et la distribution du gaz, conservent leurs droits. Mais qu’arriverait-il ? Si elles font de mauvaises affaires, on leur laissera le soin de se débrouiller. Si, grâce à un outillage perfectionné, elles réalisent des bénéfices, l’État rachètera leurs installations au prix qu’il fixera lui-même. Voilà ce qu’on appelle encourager l’industrie. »

J’ai été étonné de rencontrer en Pologne, où l’individualisme est fort développé, une tendance aussi marquée à