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Malheureusement, ce postulat ne s’est pas vérifié. Lorsqu’ils arrivèrent ici, en février, les Polonais prétendirent traiter la ville, comme s’ils l’avaient conquise : grand appareil militaire, occupation des gares et des édifices publics, des soldats plein les rues. Une frontière terrestre à peu près infranchissable ; un front de mer hérissé de mitrailleuses, qu’on déchargeait sur les pêcheurs inoffensifs, s’ils s’approchaient trop près de la côte. Force me fut bientôt de reconnaître que toute conciliation était impossible. Il fallait pourtant administrer la ville dans l’intérêt des habitants. Or, sur une population de 190 000 âmes, Dantzig compte 180 000 Prussiens et 10 000 Polonais. Bien que toutes les précautions eussent été prises, lors des élections, pour garantir les droits de cette minorité, sept Polonais seulement furent envoyés à la Constituante, qui comprend 120 députés. J’ai nommé un conseil exécutif provisoire ; j’y ai fait entrer un Polonais. Au surplus, j’ai conservé toute l’administration d’autrefois, qui est compétente, mais prussienne. Les quatre officiers anglais qui m’ont accompagné à Dantzig, contrôlent simplement l’activité des fonctionnaires locaux. De temps en temps, je réunis dans une conférence Dantzigois et Polonais : leurs points de vue sont si violemment opposés qu’on n’aboutit jamais à une conclusion. Il me semble que le système actuel ne peut pas être maintenu. Dès qu’aura été signée la convention entre Dantzig et la Pologne, le mieux qu’on puisse faire, à mon avis, sera de remettre le contrôle de la ville libre a une commission administrative, composée d’un nombre égal de Polonais et de Dantzigois, et d’un représentant de la Ligue des Nations. Déjà cette suggestion a été officieusement soumise au Conseil suprême, et M. Millerand a paru l’agréer.

Le commissaire général polonais m’a déclaré de son côté : Oui, des fautes ont été commises dans les premiers temps de l’occupation, non par notre gouvernement, mais par quelques éléments militaires un peu excités. Nous avons aussitôt réprimé les abus et mis un terme aux maladresses. Mais notre situation ne s’est pas beaucoup améliorée. Nous avons aujourd’hui contre nous, d’une part, les communistes, qui font cause commune avec les bolchévistes, de l’autre, les nationalistes, qui tiennent pour les Allemands. Berlin fait une propagande intense par la presse, par les fonctionnaires qui vivent encore aujourd’hui des subsides du gouvernement allemand, par des agents