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maritime dont disposera l’État polonais. Les événements militaires de ces derniers mois ont fait ressortir l’importance de la « Question de Dantzig. » Les Polonais pouvaient-ils, oui ou non, faire usage du port que le traité de Versailles avait mis à leur disposition ? Durant tout le mois de juillet et la première quinzaine d’août, ils ne le purent point. Je me trouvais à Dantzig au moment où y arriva le bâtiment anglais Triton, chargé de quelques munitions qui n’étaient certes pas de première valeur. Les dockers du port, passant brusquement de l’internationalisme le plus pur au plus farouche patriotisme allemand, refusèrent de décharger le Triton. Les Polonais ripostèrent en arrêtant les convois de vivres dirigés vers Dantzig. La ville se crut menacée de famine ; des troubles éclatèrent. Une foule de vingt mille personnes se rua sur le palais du gouvernement, où résident côte à côte le haut-commissaire interallié et le premier bourgmestre de la ville, chef de l’Ober-præidium. Celui-ci avait été mis fort mal en point, et déjà les factieux avaient forcé les portes du palais, lorsque la police prussienne de sûreté (Sicherheitspolizei) accourut et rétablit l’ordre à coups de mitrailleuses. Il y eut un tué, plusieurs blessés. Le soir, dans les hôtels et dans les maisons privées, les ouvriers allemands, armés de gourdins et de couteaux, se livrèrent à une véritable chasse au Polonais ; des étrangers qui, j’en réponds, n’étaient point Polonais, furent brutalement tirés de leurs lits et passèrent une nuit fort désagréable (29-30 juillet).

Quelques jours après, les dockers dantzigois voulurent bien ne pas s’opposer à ce que des soldats britanniques déchargeassent le bateau de munitions ; les caisses furent transportées sur des chalands, qui remontèrent la Vistule jusqu’à Dirschau ; là, nouvelle rupture de charge et transbordement des caisses sur des wagons à destination de Varsovie ; elles y arrivèrent quand Dieu voulut.

Évidemment, cela ne s’appelle pas « disposer » d’un port. J’ai demandé tour à tour au haut-commissaire interallié et au commissaire général polonais comment ils appréciaient une telle situation et quels remèdes ils pensaient qu’on y pût apporter.

— Les articles du traité qui forment actuellement le statut de la ville libre de Dantzig, m’a répondu le premier, reposent sur un postulat : la possibilité de relations convenables, d’une entente amiable entre Dantzigois et Polonais.