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ont servi à boiser les puits et à construire des baraquements pour les ouvriers. La nappe ici est profonde, et l’on va chercher l’huile à mille, parfois à quinze cents mètres au-dessous du sol. Tantôt elle jaillit d’elle-même, par irruptions fréquentes et régulières, comme elle fait du fameux puits nommé « le Cosaque ; » le plus souvent, les puits sont « pistonnants, » et l’huile est refoulée par une pompe dans le tuyau qui l’amène jusqu’à la surface. Toujours elle s’échappe bruyamment, accompagnée d’un gaz très pur, qu’on recueille et qu’on utilise sans transformation.

Le directeur technique de Silva Plana est un allemand de Galicie. Il succède à un allemand d’Allemagne, qui, après avoir installé l’exploitation, continua de la diriger pendant toute la guerre, dans la conviction qu’après la victoire des Empires centraux, elle échapperait aux Français qui l’avaient achetée en 1914 et passerait aux mains de ses compatriotes. Il ne fallut rien de moins que l’effondrement de l’Autriche et la défaite de l’Allemagne pour contraindre cet homme têtu à vider la place.

Son successeur m’a fait un curieux récit des vicissitudes par lesquelles passèrent, durant les hostilités, l’entreprise de Silva Plana et l’industrie du pétrole en Galicie.

— Avant la guerre, me dit-il, la production de nos puits atteignait 18 000 citernes par mois ; une citerne, ou un wagon, a une contenance de 10 tonnes. On ne savait que faire du pétrole. Les possibilités d’exportation étaient alors très réduites, l’Amérique, la Roumanie et Bakou ayant accaparé tous les marchés. En 1908, nous vendions l’huile 70 heller les cent kilos. Les prix remontèrent ensuite progressivement jusqu’à 5 couronnes. Entre 1910 et 1914, la situation du marché s’était améliorée ; la production de Boryslaw s’éleva jusqu’à représenter 10 pour 100 de la production totale des bassins galiciens.

« La déclaration de guerre fait retomber le pétrole à 1 kr. 45 ; l’invasion russe amène une nouvelle baisse ; il se vend péniblement à 0, 80. Cependant notre entreprise ne cesse point de travailler et, en 1917, voit apparaître les premiers bénéfices. La fortune, à ce moment, sourit aux Empires centraux. La Galicie doit fournir à elle seule tout le pétrole nécessaire à l’Allemagne, à l’Autriche, à la Bulgarie et à la Turquie, et la consommation des armées est énorme. On nous envoie du matériel, on nous fournit de la main-d’œuvre, on nous attribue