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MAUPASSANT INÉDIT

AUTOUR D’ « UNE VIE »

Quand Brunetière dénonçait et blâmait avec sa véhémence coutumière, dans des pages d’ailleurs profondes, la fureur de l’inédit, il n’excluait pas, j’imagine, les documents qui peuvent renseigner sur les procédés de composition d’un écrivain. Il se serait mis en contradiction avec lui-même, et notamment avec ses études sur les Sermons de Bossuet, dont la préparation offre une controverse si passionnante et toujours ouverte. La méthode de travail d’un auteur fait si bien partie de son talent que, même avant Sainte-Beuve, les critiques subissaient la loi de sa recherche.

L’œuvre de Guy de Maupassant n’a pas échappé à cette règle. On l’a le plus souvent représentée comme un produit naturel, exempt d’effort. Rien pourtant n’est moins vrai. M. René Doumic rentrait dans la vérité, quand il écrivait, au lendemain de la mort de Maupassant : « On a dit qu’il portait ses contes naturellement, comme les pommiers de sa Normandie portent leurs pommes. Cela n’est pas exact. » Il y avait dans cette étude pénétrante et nuancée une autre appréciation : « C’est dans la nouvelle que Maupassant est tout à fait supérieur. » Le curieux document qui sert de base à mon article me parait apporter à cette double appréciation une confirmation décisive. C’est le manuscrit inédit d’une grande partie des premiers chapitres d’Une Vie, que Guy de Maupassant avait laissé avec cette mention : « Vieux manuscrit. » Il se compose de cent quatorze grands feuillets, dont les premiers sont si nets qu’ils sont certainement une copie et dont les derniers présentent, en grand