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qu’il appartint d’abattre l’œuvre malsaine élaborée au Conseil des Cinq-Cents, et il l’abattit si bien que, sous l’influence de sa parole, la résolution fut rejetée.

Les Cinq Cents s’indignèrent ; tout en s’indignant, ils réfléchirent. Contre la politique sectaire, ils voyaient nettement le pays su dresser. Les modérés, c’est-à-dire les membres du tiers librement élus, reprirent courage. Pendant trois mois, par une série d’attaques partielles, ils battirent en brèche la législation antireligieuse et, favorisés par le courant de l’opinion, parvinrent à conquérir sur les lisières des partis d’importantes adhésions. Enfin le succès couronna leurs efforts. L’article 10 de la loi du 3 brumaire an IV fut abrogé. C’était pour les catholiques une mémorable victoire ; et décidément, dans la chaîne de la persécution, les anneaux se desserraient.


VI

Y a-t-il encore une législation sur les cultes ? Les plus exercés des juristes n’auraient pu le dire. En effaçant le terrible article 10 qui ordonnait d’appliquer les lois de 1792 et de 1793, a-t-on aboli ces mêmes lois ? Tout est indécis, les textes, les gloses, les pensées elles-mêmes. Le Directoire se fixe dans la jurisprudence la plus rigoureuse et s’obstine à perpétuer la persécution. Les membres des Conseils demeurent un peu flottants, tantôt reconquis par leurs préjugés, tantôt pénétrés de souffles plus généreux. Les fonctionnaires sont de plus en plus perplexes, les juges de plus en plus enclins à absoudre. Quant au pays, en son immense majorité, il n’a qu’un désir : la paix.

Ces menaces toujours suspendues et ces infiltrations de plus en plus larges de tolérance, tout cela créait aux catholiques un sort précaire, mais plein d’espérances. Ils pourraient beaucoup, à la condition d’oser beaucoup.

Ils osèrent. A travers la servitude, ils discernèrent l’affranchissement ; surtout ils feignirent de se croire libres, ce qui est souvent le meilleur moyen de le devenir.

A l’aide des documents contemporains, on assiste, on croit assister à cette renaissance.

C’est dans les petites villes, c’est dans les campagnes qu’on peut surtout l’étudier. Là-bas, on voit se réunir, en un jour de dimanche, des fermiers, des métayers, des laboureurs, des